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Deux combattants et un arbitre

D’un côté, David Boies, le département de la Justice et dix-neuf Etats américains; de l’autre, Bill Gates et Microsoft. Avec, au centre, le juge Thomas Jackson chargé de désigner le vainqueur de cet affrontement.

Le juge Thomas Penfield Jackson : un magistrat pointilleux

Juriste connu, ayant fait condamner le maire de Washington pour consommation de drogue dure, Thomas Jackson avait surtout débuté le procès avec la lourde réputation de juge pas toujours fiable, souvent démenti en appel. Conscient que le procès Microsoft représente l’apogée de sa carrière, il a donc multiplié les précautions : chaque témoin a pu être interrogé pendant de longues heures sans qu’il s’impatiente ; ses questions techniques, bien que simples, ont été impeccables.Microsoft rappelle en effet de mauvais souvenirs à Thomas Jackson. En 1997, celui-ci avait en effet jugé que la vente liée d’Internet Explorer et de Windows 95 violait un accord passé entre le gouvernement et l’éditeur, contraignant ce dernier à séparer la commercialisation de ses logiciels. Pour voir son jugement cassé quelques mois après par une cour d’appel fédérale. Cette fois, il aura au moins maîtrisé les plaidoiries. Ne reste plus qu’à savoir si son interprétation du droit sera aussi bien conduite.David Boies : un féroce inquisiteur

Si Microsoft est condamné, il faudra considérer David Boies comme un des personnages les plus importants de l’histoire de l’informatique. Déjà, dans les années 70, il avait participé au procès antitrust opposant IBM au département de la Justice, du côté du fournisseur. Et avait grandement contribué à la victoire de son client, le gouvernement ayant finalement renoncé à une procédure qui s’était éternisée.Pour le procès Microsoft, c’est cette fois le département de la Justice qui s’est adjoint ses services. A juste titre car David Boies a réussi à déstabiliser la quasi-totalité des témoins de Microsoft. Aidé en cela par leur manque de préparation, il a su mettre à profit tous les e-mails internes qu’il avait à disposition pour montrer que leurs déclarations à la barre se situaient à l’opposé de leurs agissements au sein de Microsoft. Et la vidéo de son interrogatoire dévastateur de Bill Gates a confirmé David Boies dans son rôle de grand inquisiteur.Bill Gates : un défenseur trop acharné

Arrogant, méprisant, absent, volontiers naïf : n’ayant pas été convoqué devant le tribunal, Bill Gates n’a pu témoigner que par un interrogatoire vidéo au cours duquel il a semblé se moquer de la procédure du gouvernement. Pas habitué à l’humilité, le fondateur de Microsoft, plus grosse fortune mondiale, a eu du mal à adopter un profil bas qui l’aurait mis en meilleure posture face au juge. Quant à son implication dans les négociations pour parvenir à un arrangement à l’amiable, elle n’a pas non plus porté ses fruits. Bill Gates avait d’ailleurs, au cours du procès, pris la décision de quitter son poste de PDG pour adopter celui d’architecte en chef des logiciels. Et avait ainsi laissé la main à son dauphin, Steve Ballmer, réputé plus coulant. Pour autant, Microsoft ne semble pas avoir modéré son agressivité. Confronté à un verdict qui s’annonce défavorable, Bill Gates s’est déclaré certain de lemporter lors de la procédure en appel qui suivra la décision du juge.

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Ludovic Nachury