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Des puces électroniques saupoudrées de vivant

Sans technologies de diagnostic fiables et rapides, l’étude des gènes et des protéines pourrait s’essouffler. Mais lorsque les calculateurs traditionnels jettent l’éponge, les biopuces prennent le relais.

Quand, en 1965, Gordon Moore, alors directeur de la recherche et du développement chez Fairchild Semiconductor, estimait que les performances des circuits intégrés (mémoires et processeurs) doublaient tous les 18 mois, il ne pensait pas encore au monde de la biologie. Pourtant, la loi empirique émise par celui qui devait devenir ensuite président d’Intel s’étend désormais aux puces à ADN. Car une nouvelle génération de composants mêle l’électronique au vivant. Et sur ces supports de silicium ou de verre, il est déjà possible d’intégrer une quantité d’information ?” biologiques cette fois-ci ?” phénoménale, pour en faire des outils non pas de calcul mais de diagnostic et de dépistage. Une puce à ADN, plongée dans une solution à analyser (goutte de sang, liquide, etc.), peut détecter la présence d’éléments donnés, comme des gènes particuliers de virus ou de micro-organismes divers. Une technique très efficace pour dépister des maladies ou parfaire la connaissance du rôle de certains gènes. Car le recours massif à la génomique et à la protéomique demande des outils d’analyse de plus en plus puissants.

Un paillasson très spécial

Vue au microscope, une puce à ADN pourrait ressembler à un paillasson : sur un support de verre ou de silicium sont greffés des brins d’ADN, quelque 500 000 brins dits “sondes” sur un support d’à peine un centimètre carré pour les puces réalisées par l’Américain Affymetrix, par exemple. Une puce est divisée en plusieurs parties, comme un damier. Chaque “case” contient une série de brins identiques, complémentaires d’un gène particulier. Plongés dans l’échantillon à étudier, ces brins vont attirer leur “frère” s’il s’y trouve, et s’apparier au gène spécifique. Sinon, ils resteront en l’état.Une opération qui permet de rechercher en parallèle et très rapidement un grand nombre de substances, qui réagiront par fluorescence. En d’autres termes, lors de la préparation de l’échantillon à analyser, les molécules d’ADN qu’il contient sont marquées. Quand leurs brins s’apparient avec ceux de la puce, des zones de fluorescence apparaissent sur le support de la biopuce. Détectées par laser, elles permettront de dresser une cartographie des composants du liquide étudié, de connaître avec certitude quels gènes sont présents dans l’échantillon.Nées il y a une dizaine d’années, les puces à ADN seront bientôt remplacées par les puces à protéines. À l’instar des brins d’ADN qui, tels des pièces de puzzle, peuvent s’apparier, les protéines peuvent elles aussi s’associer. Et la technologie pourrait encore s’étendre : Car “toute molécule qui réagit spécifiquement avec une autre peut être utilisée”, note Pierre Puget, responsable des programmes biopuces au Laboratoire d’électronique, de technologie et d’instrumentation de Grenoble, une émanation du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Mais si le fonctionnement de ces puces très spéciales est relativement simple à imaginer, la mise en ?”uvre de la technologie, elle, est extrêmement délicate. “Les acteurs vont mettre un peu de temps à industrialiser les process”, prévient le Dr Lara Marks, du cabinet d’analyse britannique Silico Research.Aujourd’hui, il existe au moins deux moyens de greffer les brins d’ADN sur le support de la biopuce : la photogravure, dont les brevets sont détenus par Affymetrix, et l’adressage électrochimique, développé en France par le CEA. Dans ce dernier cas, des séquences complètes d’ADN synthétisées préalablement sont greffées directement sur la puce par voie électrochimique. La méthode Affymetrix, elle, construit in situ (sur la puce) les brins d’ADN, base par base. Couche par couche, les molécules sont édifiées en utilisant des masques photolithographiques pour exposer les zones de façon sélective.

La promesse d’une révolution

L’Américain maîtrise actuellement pas moins de 44 % du marché, avec un chiffre d’affaires de 220 millions de dollars (252,5 millions d’euros), suivi de loin par Perkin Elmer (11 % et 55 millions de chiffre d’affaires) et Applied Biosystems (7 %, 35 millions de dollars). De nombreux acteurs commencent ainsi à s’intéresser à ce marché “qui devrait révolutionner les pratiques scientifiques”, estime Lara Marks. Un business qu’elle évalue à environ 1 milliard de dollars cette année et plus du double en 2005. Motorola et Hitachi sont dans les starting-blocks. En France, Biomérieux-Pierre Fabre s’y intéresse aussi beaucoup. D’autant que ce spécialiste du diagnostic, qui commercialise notamment un test VIH, possède déjà une filiale commune avec le CEA.

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Agathe Remoué