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Des puces à réinventer pour calculer plus vite

Jusqu’ici, la course à la puissance a souvent consisté à accumuler les transistors sur des plaques de silicium. Mais pour que les performances progressent encore, il faut optimiser les technologies existantes.

Qu’est-ce qui peut bien trotter dans la tête de tout chercheur en électronique ? Un principe, gravé dans le silicium : la loi de Moore. À partir d’une observation empirique, le cofondateur d’Intel, Gordon Moore, alors directeur de la recherche chez Fairchild Semiconductor, postulait, dès 1965, le doublement annuel des performances des circuits intégrés. Réévaluée à une cadence de 18 mois, la loi est toujours valide. Mais il est prédit que, d’ici une quinzaine d’années, elle devrait atteindre ses limites physiques.Reste que comme les chercheurs d’aujourd’hui passent leur temps à brûler les icônes d’hier, les énergies mises en ?”uvre pour préserver cette loi sont phénoménales. En effet, comment continuer de mettre toujours plus de transistors sur des surfaces se réduisant comme peau de chagrin ? Comment pallier les inconvénients ?” l’accumulation de chaleur, par exemple ?” dus à cette densité toujours croissante ? Comment construire des systèmes plus efficaces ? Pour répondre à ces questions, les experts explorent le remplacement du sacro-saint silicium par des polymères, et de l’électron par des photons, avec en tête la tentation de faire circuler les informations à la vitesse de la lumière.

Secouer le design des puces

Mais avant de réaliser de réels sauts technologiques, les designs sont passés à la moulinette, pour optimiser les circuits existants. Ignorant autant que faire se peut les aléas de la conjoncture, l’activité des laboratoires ne faiblit pas. “Depuis les années quatre-vingt, la course à la puissance s’était déjà un peu rationalisée ; désormais, l’enjeu est d’arriver à faire beaucoup plus dans l’enveloppe de puissance à disposition”, constate Wilfred Pinfold, directeur technique de la recherche de la division microprocesseur d’Intel. Il devient essentiel de revenir sur le chemin parcouru et de remettre à plat les défauts oubliés en route par l’avancée galopante des technologies. L’un des plus notables : les difficultés d’évacuation de la chaleur.À surface égale, les puces actuelles regroupent 42 millions de transistors, contre à peine quelques milliers dans la préhistoire des semi-conducteurs. Quand les transistors atteignent des tailles de l’ordre de la trentaine de nanomètres, la tension qui leur est appliquée crée des zones où des échauffements menacent de grever sérieusement les performances de l’ensemble. Des poches d’autant plus difficiles à évacuer que le silicium est mauvais conducteur de chaleur. Une piste explorée : réaliser des circuits intégrés en trois dimensions. La surface sur laquelle les électrons circulent est ainsi triplée, sans occuper d’espace complémentaire. Résultat : moins de concentration de chaleur et donc plus d’efficacité, avec un gain d’environ 20 %. Autre méthode : la révision complète de la disposition des transistors sur les semi-conducteurs. “Nous repérons sur des circuits les zones d’échauffement. L’ensemble est redessiné pour qu’elles soient le plus éloignées les unes des autres”, explique Wilfred Pinfold.Les foyers de perte de puissance sont aussi traqués. Les transistors qui, généralement, ne consomment de l’énergie que lors de leur passage à l’état ouvert ou fermé en absorbent en permanence quand la densité augmente considérablement. “Il nous faut alors prévoir la possibilité de priver totalement de courant les parties de circuit qui ne sont pas utilisées”, précise Mike Muller, directeur technique du spécialiste en design de puces ARM. À ce niveau, la complexité est telle que les équipes chargées de vérifier la faisabilité du produit sont aussi importantes que celles chargées de créer le transistor. “Plutôt que de créer des puces ultra-complexes, de réelles usines à gaz, le mieux est d’utiliser des petits blocs, déjà maîtrisés et qui seront reliés entre eux”, suggère Mike Muller.

Le bon vieux cuivre résiste

Autre vecteur de contreperformance : la prolifération des fils de cuivre permettant le passage des électrons entre les transistors. Ce qui génère des interférences. De plus, les technologies actuelles permettent aux transistors de commuter à une vitesse jamais égalée. Dans ce contexte, le temps de propagation des signaux dans ces fils de cuivre devient un autre facteur limitant. Mais, “il serait possible de remplacer le cuivre par des guides optiques pour relier les transistors”, indique Jean-Marc Verdiell, directeur des technologies optiques chez Intel. Et ainsi mêler intimement photonique, autrement dit une technologie à base de rayons lumineux, et électronique. “Mais cela fait des années que l’on prédit la substitution du cuivre par l’optique, constate le chercheur. Or cela n’est pas encore arrivé !” Car les recherches sur le bon vieux cuivre continuent. “Et on trouve toujours de nouvelles astuces pour augmenter ses performances : le cuivre a encore de beaux jours devant lui”, pronostique Jean-Marc Verdiell. Les “vieilles” technologies n’ont pas dit leur dernier mot.

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Agathe Remoué