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Des mots-clés à très grande valeur ajoutée

Pour se retrouver en tête d’un outil de recherche sur le web, il suffit d’acheter le bon mot-clé aux enchères. Plusieurs vendeurs ont trouvé-là un business fructueux.

C’est devenu l’obsession des responsables de sites : s’afficher en tête de résultats sur les annuaires du web, les Yahoo, Altavista et autres Lycos. Crise oblige, les sites d’e-commerce ont rogné sur leur budget marketing.Leur audience dépend de plus en plus des outils de recherche qui, selon une étude signée Jupiter Media Metrix et NPD Group, sont utilisés par 28 % des internautes cherchant à acquérir un produit en ligne. Et chaque jour, ces internautes posent près de 65 millions de questions aux annuaires du web.

Payer pour être le premier

Alors pour arriver parmi les premiers, certains sont prêts à payer. Ça tombe plutôt bien, puisqu’un nombre croissant de sociétés, comme Overture aux États-Unis ou Espotting en Europe, vendent aux enchères les mots-clés les plus souvent utilisés par les internautes ?” par exemple ” voyage “.La société qui paie le plus cher apparaîtra en première place sur les listes de résultats des annuaires partenaires de ces sociétés. Pour Overture, il s’agit de MSN, AOL ou Yahoo aux États-Unis. Côté Espotting, on compte en France Lycos, Hotbot, Altavista et, bientôt, Yahoo.Pour Overture ou Espotting, c’est une manne financière inestimable. Overture a réalisé en 2000 un chiffre d’affaires de 103 millions de dollars (soit 116 millions d’euros). En 2001, il dépassera les 250 millions de dollars, ses résultats grimpant de 20 % chaque trimestre. Cotée au Nasdaq, Overture affichait une capitalisation supérieure à 2 milliards de dollars le 22 janvier et a déjà séduit plus de 49 000 annonceurs.Quant à Espotting, elle a atteint la rentabilité en 9 mois. Selon Merrill Lynch, le marché de la vente de mots-clés atteindra 400 millions de dollars aux États-Unis en 2002.Pour les entreprises soucieuses de leur place sur les outils de recherche, tout se complique. D’abord, elles doivent veiller à ce qu’un concurrent n’achète pas leur nom. Carrefour, Michelin ou France Telecom en ont déjà été les victimes. Mais, l’épreuve du squatt passée, les entreprises doivent correctement choisir leurs propres mots-clés.” Idéalement, il faut en acheter de 15 à 30 “, estime David Degrelle, le PDG de la société de référencement (indexation de sites dans les moteurs de recherche) 1ère Position. “ Il ne suffit pas d’acheter un mot-clé, commente Pierre Gaudet, directeur général du comparateur de prix Kelkoo France et gros acheteur de mots-clés. Pour chaque mot acheté, il faut créer une description qui indique à l’internaute ce qu’il va trouver s’il clique sur votre lien. Et puis, il faut sans cesse surveiller si quelqu’un n’a pas surenchéri sur votre offre et si vous n’êtes pas relégué en bas du classement. “Bref, un travail à plein temps. Et ce travail pourrait être pris en charge en France par les sociétés de référencement. Spécialistes de l’optimisation de l’indexation des sites internet par les moteurs de recherche, ces entreprises ont fait évoluer leur modèle d’affaires vers “ l’optimisation des budgets des sociétés “, pour reprendre les termes de David Degrelle.

Les référenceurs perplexes

Selon Alain Sanjaume, le PDG d’Espotting France, environ 15 sociétés de référencement sur 50 seraient déjà partenaires de son entreprise. Un programme d’intéressement (reversement de 10 à 15 % du chiffre d’affaires) contribuerait à les y inciter… Cependant, ni 1ère Position, ni Net Booster, mastodonte du secteur, n’ont encore signé avec Espotting.”C’est une réflexion en cours chez nous. Cette activité est plus proche de l’achat d’espace publicitaire et ce n’est pas notre métier “, commente Jean-Pierre Eskenazi, président fondateur de Net Booster. “ Nous sommes là pour aider les entreprises à choisir les bons mots-clés. Dans ce cadre, nous pourrions développer une offre de conseil puis de vente de mots-clés“, poursuit-il.Denis Roux, responsable de la communication d’Atposition, a déjà démarré cette activité “ à la demande d’une majorité de clients “. Mais avant de se lancer dans l’achat extensif de mots-clés, il faut bien évaluer le retour sur investissement. Jupiter Media Metrix a montré qu’un internaute met trois fois moins de temps à trouver une information sur un site de recherche qui vend ses mots-clés (par Overture, en l’occurrence) que sur un site purement “ objectif“.Pour le surfeur de base, l’opération serait donc intéressante. ” Pour une société, c’est discutable, prévient Denis Roux. Bien indexer ses pages dans un moteur de recherche coûte plus de 15 000 euros par an [100 000 francs, ndlr]. Vous dépenserez très vite beaucoup plus en achetant des mots-clés. ” Car, plus le procédé sera populaire, plus nombreux seront les enchérisseurs, faisant exploser les prix. Au seul profit des vendeurs de mots-clés.

Odeur de soufre

Mais si ces vendeurs profitent aujourd’hui d’un effet de mode, leur avenir n’est en aucun cas assuré. Pour Merrill Lynch, les mois de mars et d’avril seront décisifs pour Overture. C’est à ce moment-là que la société renégociera ses accords avec AOL et Yahoo États-Unis. Sans ces contrats, tout l’intérêt du concept disparaît.Si AOL semble satisfait de son partenariat, Yahoo est plus ambigu : le portail a signé un accord avec Espotting en Europe (déjà actif sur Yahoo UK et bientôt sur Yahoo France). De là à s’imaginer que les moteurs de recherche développent leur propre solution de vente de mots-clés et écartent les intermédiaires, il n’y a qu’un pas.Une idée pas si farfelue puisque Voila, le moteur du groupe Wanadoo, a déjà franchi le pas. Depuis la fin de l’an 2000, le moteur vend des mots-clés, par l’intermédiaire de Wanadoo Régie. Et là, pas question d’enchères : le premier arrivé est le premier servi. Il n’est pas non plus question de squatt : le portail internet de France Telecom est des plus scrupuleux sur les mots vendus.”Voila a très bien pris le tournant, car son offre n’effrayera pas les annonceurs “, note un professionnel. Les odeurs de soufre autour des pratiques d’Espotting ou d’Overture pourraient faire fuir Yahoo ou MSN, qui tiennent à préserver leur image de marque. C’est la raison pour laquelle ces deux sociétés mènent une politique d’expansion internationale à marche forcée : Overture veut arriver en France avant la fin de l’année et se développer au Japon. Une des voies de développement également envisagée par Espotting.

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Alain Steinmann