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Denis Wathier (Voyages-sncf.com) : ‘ Le commerce électronique n’est pas structuré, tout peut encore changer ‘

Ce n’est pas un hasard si la SNCF est le leader français du commerce électronique. Le directeur général de Voyages-sncf.com mise sur la simplicité.

Vous êtes le leader du commerce électronique en France. Mais n’est-ce pas facile lorsque l’on se trouve en situation de monopole sur son segment de marché ?Pas du tout. Regardez, dans tous les autres pays, les compagnies aériennes sont en tête de la vente de voyages en ligne. En France, c’est
Voyages-sncf.com. Quant à être sur un monopole, certes. Mais cela constitue aussi un handicap : regardez où en sont les autres compagnies ferroviaires nationales en matière d’e-commerce. De
plus, nous avons pensé aux agences de voyages en ligne en leur réservant un accès internet personnalisé. Nous avons développé à leur intention le produit Ravel (Réservation pour les agences de voyages en ligne), utilisé par Travel-price et
Havas-voyages. Même les compagnies aériennes n’ont pas osé procéder à une telle ouverture.Comment s’équilibrent vos revenus ?Nous avons réalisé 272 millions d’euros en 2002, dont 254 millions avec les billets de train et 18 millions avec Expedia pour la vente de billets d’avion, de chambres d’hôtel ou de locations de voitures. Notre chiffre
d’affaires provient d’abord des achats de nos clients internautes. Sur ces ventes, nous touchons une commission, comme toute agence. Mais la publicité ne constitue pas non plus un revenu anecdotique. En 2002, elle a rapporté
1,5 million d’euros, contre 0,3 million en 2001. Nous comptons beaucoup sur son développement en lançant un produit interstitiel avec France Rail : de l’affichage non
‘ clicable ‘, couplé à des publicités en gare.Quels sont vos autres objectifs ?En 2003, nous voulons progresser de 60 %, pour atteindre un volume d’affaires de 435 millions d’euros. Il est prévu de doubler les ventes sur le train et de multiplier par trois les autres revenus. C’est bien plus que les
49 % de progression prévus pour l’e-commerce.Comment expliquez-vous votre succès ?Nous ne nous sommes pas trompés. Une stratégie Internet et de commerce électronique ressemble à une course d’obstacles. Nous avons choisi de ne pas sauter haut à chaque fois. Mais, au moins, nous n’avons pas fait de fautes. Du coup,
Voyages-sncf.com passe aujourd’hui la ligne en tête. Bien sûr, le site n’a rien de génial, et il y a toujours plein de choses à revoir. Mais, de toute manière, lorsque nous modifions quelque
chose, 20 % des utilisateurs aiment, et 20 % hurlent en disant qu’on a changé ‘ leur ‘ site. Du reste, quand on regarde un internaute agir, on s’aperçoit qu’il se heurte davantage à des
problèmes graphiques que fonctionnels. Mais il convient d’être modeste : il n’existe pas de solution graphique toute faite. Les ergonomes n’en savent pas plus que nous. Il faut toujours procéder à des études qualitatives.Pensez-vous passer bientôt au billet électronique ?Pas encore. Mais nous le ferons dès que nous aurons trouvé une solution satisfaisante. Actuellement, 25 % des billets commandés sur Internet sont envoyés à domicile. La moitié de toutes les commandes est payée en ligne. Pour
faire de l’e-ticket, il faut disposer d’un système en réseau qui maîtrise la fraude. Je vous rappelle que la SNCF la chiffre actuellement à 200 millions d’euros par an. Les produits existants ne nous ont pas encore convaincus. Ils devront, en
effet, être accessibles aux cinq mille contrôleurs des trains grandes lignes à travers un outil qu’ils maîtrisent. Il convient donc de mettre en place une logistique de coordination entre distributeur et transporteur. Nous pourrions instaurer une
procédure de préembarquement, comme pour l’Eurostar, le Thalys, ou lors des grands départs. Mais c’est lourd. Nous pourrions aussi attribuer un numéro de siège. Mais le contrôleur doit disposer de cette information. On peut imaginer des utilisations
avec des assistants personnels connectés via Wi-Fi.Maintiendrez-vous les ventes par Minitel ?Il n’existe pas de meilleur modèle économique que le Minitel. Il génère actuellement un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros de revenus par an. La SNCF le maintiendra tant qu’il y aura des connexions. Le Minitel constitue en
outre un revenu supplémentaire, qui n’est pas en concurrence avec Internet. En revanche, il n’existe pas de synergie entre eux.Vous possédez tout de même une plate-forme commune ?L’idée de disposer d’une seule plate-forme technologique partagée selon les canaux est un leurre. Il existe des médias riches et des médias qui ne le sont pas. On ne peut pas recourir à la même structure pour des petits écrans
(Minitel ou mobiles), et pour l’Internet, qui utilise des services web. Avoir une base, c’est bien. Mais il faut toujours réécrire des fonctions pour changer de support. Par exemple, sur Internet, notre principe est qu’une commande doit s’effectuer
en quatre écrans et trois clics. C’est difficile sur le Minitel, et impossible sur un écran de téléphone portable. Tout effort d’enrichissement pour Internet doit être appauvri pour passer sur ces autres médias. Il n’existe donc pas de convergence
en matière de sites de commerce électronique.Et la télévision interactive ?Nous y pensons, d’autant qu’elle ne nécessite pas d’investissement coûteux. Le problème est qu’il n’existe pas de forte enseigne commerciale sur ce média. Mais, là encore, il faut instaurer une couche de présentation dédiée.Et sur téléphone portable ?Je ne sais pas si cela a du sens. Les responsables de Bouygues essaient de nous faire venir à l’i-Mode. Mais tant que ces technologies ne compteront pas deux à trois millions d’utilisateurs, nous ne bougerons pas. Ceux qui se lancent
dans de la vente sur téléphone mobile font actuellement acte de communication. Faire de l’image, c’est bien, mais on n’en vit pas. Faire du rentable, c’est bien mieux. Mais qui sait ? L’i-Mode a peut-être un avenir. Nous restons donc en veille.Doublant d’activité tous les ans, votre système est-il bien dimensionné ?Aujourd’hui, ça passe bien. Mais, comme tout site marchand, nous surconsommons des systèmes centraux. Ainsi, le jour où la réservation express a été mise en ligne sur la page d’accueil, 60 % des internautes l’ont utilisée. Mais
beaucoup l’ont fait pour consulter les horaires. Ce qui a alourdi les échanges. Or, pour toute demande, le système envoie environ cinquante requêtes au système Socrate de gestion. Nous avons 2,6 millions de clients qui achètent selon cent
vingt-cinq paramètres différents. Aujourd’hui, les requêtes du site web consomment 50 % des ressources totales de Socrate.Comment travaillez-vous la relation client ? Faites-vous du marketing personnalisé ?Nous devons encore et toujours recruter de nouveaux clients si nous voulons continuer de progresser. C’est notre fonds de commerce. Aussi ne louons-nous pas nos fichiers. On ne cède pas son capital le plus précieux ! Tout client
reçoit un e-mail confirmant sa commande. Nous utilisons cette adresse pour envoyer deux e-mails d’information par mois, et nous enregistrons un excellent taux de retour. Leur impact est suivi produit par produit. Nous faisons aussi de la publicité
sur des sites à fort trafic. Mais nous n’avons pas encore constitué à partir de nos bases de données des commandes passées, des listes pour personnaliser nos envois et mieux les cibler. Nous allons tenter de le faire lors du lancement de la carte
Escapade pour les 26/59 ans, par le biais d’un lien avec les anciens possesseurs de la carte 12/25.Quels conseils pouvez-vous donner aux autres éditeurs de site marchand ?Aucun ! Qu’ils se débrouillent ! La compétition s’avère rude, car nous sommes sur un secteur très concurrentiel. De fait, le marché de l’e-commerce en général ­ et celui du voyage en ligne en particulier ­ n’est
pas encore structuré. Tout peut encore changer. Prenez Opodo, qui vendra très bientôt des billets de train : ce site, qui a mis le paquet l’an dernier, a réussi à se positionner en un an comme le troisième du secteur, derrière
Last-minute.com et nous. Tout est à construire, car nous devons encore atteindre une taille critique. Nous sommes obligés de faire du volume pour gagner.

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Hubert d'Erceville