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De l’arsenic dans le champagne

Dans la nouvelle économie, une grande soirée de lancement est une obligation pour toute campagne de relations publiques. Un exercice qui s’apparente à un rite de passage devant un jury impitoyable.

La nouvelle économie est pleine de jeunes qui aiment la fête. Comme ils ont plein d’argent et plein d’amis, ils ne laissent passer aucune possibilité de s’amuser. Et quelle meilleure occasion que le lancement d’un site, quand on s’apprête à voir couronnés des mois d’efforts et de sacrifices ? Mais la nouvelle économie est aussi pleine de gens pragmatiques qui ont bien compris que l’on n’y obtenait rien sans un épais carnet d’adresses. Et quelle meilleure occasion pour tisser sa toile qu’une soirée où, l’alcool aidant, tout le monde vous trouve formidablement sympathique ?Joignant l’agréable à l’utile, les soirées de lancement se sont ainsi multipliées dans le petit univers du newbiz parisien, pour finalement devenir un passage obligé : dans le milieu des professionnels de la trottinette, il serait particulièrement mal vu de ne pas sacrifier à cette tradition festive. Tout le monde se connaît et les gens sont si prompts à médire…C’est ainsi qu’il ne se passe désormais plus une semaine sans qu’ait lieu une de ces soirées où se retrouve la Net-set parisienne : yuppies du e-business, vieux investisseurs en goguette, publicitaires, journalistes, pique-assiettes… Le lendemain de la soirée géante donnée par Amazon pour le lancement de son site français on a même pu en lire le compte-rendu dans Libération et Transfert, devenus pour l’occasion les Voici de la nouvelle économie.A l’occasion d’un lancement, ne pas organiser de soirée est donc impensable ; la réussir est indispensable. Pour cela, il ne faut pas regarder à la dépense. On loue un endroit à la mode, on programme des DJ reconnus, on invite trois fois plus de personnes qu’il n’en viendra (mais un tiers des personnes présentes n’auront pas été invitées) et surtout, surtout, on prévoit un bar et un buffet très bien garnis. Internet donne soif, c’est bien connu, et si ventre affamé n’a point d’oreilles, il compense par une langue bien pendue.Amazon s’en est aperçu à ses dépens. En effet, avec une soirée réussie, on ne gagne pas grand-chose, éventuellement quelques contacts fructueux et la reconnaissance de ses pairs, mais que les choses tournent mal et elles se transforment rapidement en débâcle. La soirée n’est pas encore finie que les mots assassins fusent, le fiel se mélange au champagne et l’amertume d’avoir perdu son temps cède vite au plaisir féroce de poignarder une start-up dans le ” dot “.Bien entendu, dès le lendemain matin le Tout-Paris du Net associe bidule.com à ” gros flop “. On a vu mieux comme début de campagne de promotion. Dans le cas d’Amazon, les Français ont apprécié, narquois, que l’éléphant américain se prenne les grandes pompes dont il s’était chaussé dans le tapis. A nen pas douter, du côté de Guyancourt, où est implanté le libraire, un responsable de la communication a dû avoir les oreilles qui sifflent.Prochaine chronique lundi 21 septembre

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Jean-Baptiste Dupin