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Daniel Zamparini (PSA)

‘ Je pense que nous avons acquis une grande maturité dans la conduite et le pilotage de projets. ‘

Un budget informatique étonnamment bas par rapport au chiffre d’affaires du groupe, des statistiques de fabrication record, une organisation totalement intégrée à la structure de l’entreprise. La DSI de PSA est un exemple
d’efficacité. Et une Berezina pour les idées reçues. Daniel Zamparini, directeur des systèmes d’information du groupe PSA Peugeot Citroën nous en parle.01 DSI : Comment la DSI est-elle organisée au sein du groupe PSA Peugeot Citroën ?


Daniel Zamparini : L’organisation de la direction des systèmes d’information du groupe PSA Peugeot Citroën (DSIN) est calée sur l’organisation dans la branche automobile. Le groupe dispose d’une direction unique des
systèmes d’information (SI).La DSIN est composée, pour la partie définition, développement et évolution des systèmes, de cinq business units : la conception et le développement des véhicules ; la fabrication ; le commerce ; le
financement ; et les fonctions de support. Avec un directeur pour chacune d’ellesQuelles caractéristiques particulières la DSIN présente-t-elle ?Dans notre organisation, la DSIN est totalement intégrée dès la phase amont des projets SI. Une part importante de notre activité est consacrée à l’assistance à la maîtrise d’ouvrage. Cette assistance est intégrée à notre équipe. Ce
qui élargit notre champ de responsabilité, mais nous permet également d’être une véritable force de proposition, puisque nous avons, nous aussi, la connaissance des métiers et de la technique.Bien entendu, nous devons en outre assurer des arbitrages, des cadrages ; nous sommes partie prenante dans la réalisation, l’accompagnement et la mise en place des projets. Participant pleinement au projet depuis sa conception
jusqu’à sa mise en place, puis son exploitation et ses évolutions, notre responsabilité est très étendue.Un modèle peu courant dans le secteur industriel ?


Notre modèle est assez original et éloigné de celui qui consiste à s’appuyer sur une organisation traditionnelle par domaine informatique ou sur une SSII spécialisée pour nous accompagner, comme General Motors l’avait fait avec EDS il y
a quelques années.Nous pensons que la construction automobile est un secteur trop complexe sur le plan technique pour trouver un partenaire SI unique. C’est pourquoi nous avons mis en place une organisation nous permettant de piloter l’évolution de nos
systèmes et de prendre en main notre destin, très proche des besoins stratégiques et opérationnels du groupe.Comment vous situez-vous par rapport à vos concurrents ?


Aujourd’hui, les SI représentent 1,3 % du chiffre d’affaires de notre groupe. Ce pourcentage est très inférieur à celui de nos concurrents. Mais l’aspect coût n’entre pas seul en compte. Les SI doivent aussi être un outil au service
des performances de l’entreprise. C’est ce que nous voulons. Nous sommes convaincus que nous devons rester maîtres de notre avenir. Et comme nous ne pouvons pas tout faire, il nous faut décider de ce que nous faisons et ce que nous faisons
faire.Il est très important de maîtriser les projets liés aux métiers du groupe. Enfin, par rapport aux autres constructeurs, j’ai l’impression que certains éprouvent plus de difficultés avec les nouveaux projets et que leurs coûts sont
plus élevés.Comment travaillent les cinq business units ?


Nous avons cinq équipes dédiées à cinq secteurs spécialisés du groupe, qui ont la responsabilité de l’ensemble des projets. Elles sont très proches des directions métier et s’appuient sur une infrastructure unique Insi (Infrastructure
des systèmes d’information), qui est notre ‘ usine informatique ‘. Très efficace, celle-ci couvre toute la palette de l’infrastructure : le poste de travail, les serveurs, les réseaux et les
centres de production, pour simplifier. C’est un atout important de notre organisation. Cette ‘ usine ‘ nous permet de réaliser une très importante économie d’échelle. Par exemple, nous possédons
environ 70 000 postes de travail, tous identiques. Les évolutions du poste de travail s’effectuent de manière automatique. Et c’est la même chose en usine ou dans un bureau d’études.Autre exemple : il y a quinze ans, le groupe comprenait 48 centres de production. Il reste aujourd’hui deux centres de production informatique à Bessoncourt et Achères, et un petit centre dédié à l’informatique scientifique à
Vélizy. Tous nos systèmes, y compris ceux temps réel des usines, sont pilotés à partir d’une seule console et depuis un seul endroit, à Bessoncourt, dans le pays de Montbéliard.Ces deux exemples expliquent pourquoi les SI représentent 1,3 % du chiffre d’affaires de notre groupe. Notre organisation peut sembler atypique, mais elle est efficace et rentable. Et je crois même qu’elle pourrait être reprise
dans bien des cas, dans d’autres secteurs. Cette organisation est en réalité très en avance par rapport à ce qui se pratique dans notre environnement.Comment les choix des projets s’opèrent-ils ?Nous devons opter pour les projets les plus rentables pour le groupe en nous appuyant sur notre ‘ usine ‘ à produire, à traiter, à exploiter… Et il nous faut toujours disposer des
applications les plus rentables de notre secteur.Comment cela se traduit-il en termes de rapport avec les services de l’entreprise ?En début d’année, nous faisons le tour de tous les services. Nous recensons les nouvelles préoccupations, et connaissons les enjeux du groupe pour les deux à trois prochaines années. Nous effectuons un premier arbitrage avec les
principaux directeurs du groupe. Puis avec Robert Peugeot, directeur de l’innovation et de la qualité du groupe, et les autres membres du comité exécutif, nous faisons un deuxième arbitrage global. Ainsi, nous disposons d’un plan pluriannuel, d’un
plan de ressources des SI et d’un outil de pilotage. Nous pilotons alors précisément tous les projets.Ainsi, l’an dernier, nous avons dû réduire notre voilure de 10 % sans faire prendre de risques à l’entreprise. Nous y sommes parvenus en toute maîtrise. Nous gérons globalement 300 projets. Nous sommes dans une tradition de
gestion fine des projets. En fait, toute l’entreprise s’exprime sur ces projets. Nous tenons notre rôle d’arbitre, puis la direction générale s’engage. Cette organisation fonctionne bien. Un contrôle permanent des performances permettant de valider
le tout. Sans arrogance, je pense que nous avons acquis une grande maturité dans la conduite et le pilotage des projets. Nous maîtrisons très bien les coûts, tout en ayant une bonne vision de notre rôle et de notre action.Effectuer les arbitrages ne doit pas être un exercice facile ?En ce qui concerne les cadrages ou arbitrages, nous ne sommes pas une machine à dire non. Mais nous ne pouvons pas non plus dire oui à tout. Chacun, dans l’entreprise, connaît les objectifs du groupe. A savoir croissance, rentabilité
et innovation. De plus, nous devons accélérer la sortie des nouveaux modèles. Pour montrer le chemin parcouru, nous en sommes, depuis l’arrivée de Jean-Martin Folz, à vingt-six nouveaux modèles en quatre ans, contre neuf sur les quatre années
précédentes.Les changements sont rapides. Quel est le rôle des SI ?Dans le secteur de l’amont technico-industriel, notre objectif est d’accompagner le lancement de nouveaux modèles, d’aider toute l’entreprise à accélérer leur sortie, et d’augmenter leur qualité. En ce qui concerne la direction de la
fabrication, elle a mis en place un plan dit de convergence afin de partager les meilleures pratiques. 90 % des projets SI dans ce domaine sont conformes à ce plan.Nous sommes le constructeur européen qui affiche la plus forte croissance depuis cinq ans. Bien sûr, celle-ci a eu un impact sur le système de fabrication. Nos SI sont disponibles à plus de 99,99 % en fabrication. Nous
recherchons le zéro défaut, zéro panne. Ainsi, en 2003, nous avons produit 3 286 000 véhicules et en avons perdu moins de 1000, grâce à l’informatique.Et pour ce qui a trait à l’activité plus commerciale ou en relation avec le client ?En ce qui concerne le commerce, nous sommes tributaires des nouvelles réglementations européennes. Nous voulons aussi mieux personnaliser la relation avec nos clients. Nous allons même jusqu’à mettre en place des systèmes de
communication et de localisation embarqués dans les véhicules. Nous gérons deux marques, et avons des implantations européennes, et même mondiales.Les besoins et le niveau d’exigence sont très différents pour les réseaux historiques comme ceux que nous avons dans l’Hexagone et pour les nouveaux réseaux que nous créons au Mexique, en Russie ou en Chine. Il faut en tenir compte et
être capable de s’adapter aux très grandes disparités de taille, de maturité, et d’attente. Pour y parvenir, nous avons établi un plan d’urbanisme général.Dans nos métiers, il y a moins de dix ans, la relation client passait par nos concessionnaires. Aujourd’hui, elle est multicanal via internet et les centres d’appel ; et, bien entendu, elle s’exprime dans toutes les
langues… Le SAV est, lui aussi, un canal de relation client très important. Tout comme la voiture, qui devient communicante. Cette relation client exige de connaître et d’identifier le client. Et, pour cela, disposer d’outils communs et
transversaux s’avère nécessaire. Y compris pour des applications très typées, comme le SAV ou les véhicules d’occasion.L’enjeu des prochaines années réside dans la connaissance globale du client, dans un environnement européen, où l’on doit désormais déconnecter la vente de la réparation du véhicule. Nous devons aussi acquérir de nouvelles
connaissances et maîtriser des outils de plus en plus sophistiqués. Juste un exemple : quand vous entrez chez un réparateur agréé, nous devons nous assurer que votre véhicule ne fait pas partie d’une campagne de rappel.D’où vient l’efficacité de votre organisation ?Nous l’attribuons à plusieurs choses. D’abord, parmi la soixantaine de membres que compte le Comité des directeurs, une dizaine sont passés, au cours de leur carrière, par l’informatique. Ils ont donc une connaissance développée de
ses enjeux et de ses contraintes au sein du groupe. Ensuite, dans un groupe industriel comme ne nôtre, nous sommes soumis à des impératifs logistiques très forts. Nous travaillons de manière très proche ?” certains diraient
étonnante ?” avec les fournisseurs.Aujourd’hui, entre le moment où une pièce spécifique est demandée aux fournisseurs et celui où elle est disponible au montage dans un atelier, il s’écoule cinquante-six minutes. Il faut donc que, chez nous comme chez nos fournisseurs,
le SI soit parfait pour que ça fonctionne. Cet environnement nous oblige à être excellents. Enfin, la qualité, qui est l’une des valeurs du groupe, nous rend aussi très exigeants au niveau de l’informatique. Au bout de tout cela, il y a la
satisfaction d’être complètement intégré à la vie de l’entreprise.Utilisez-vous des systèmes avancés sur le plan technologique ?Dans la business unit dédiée à l’informatique scientifique, comme la CAO, les référentiels ou la maquette numérique, nous avons des applications très pointues. En matière de crasch-test, nous avons remplacé un Cray par une ferme de
serveurs sous Linux. Ce qui a généré des gains en terme de coût et de temps de calcul. Des applications mainframes et départementales sont encore à ‘ webiser ‘ avec Websphere et Java. Nous avons
toujours de gros chantiers en cours. Nous sommes une direction au service de la stratégie du groupe. Et c’est pour cela que nous élargissons nos domaines d’intervention.Certains constructeurs automobiles externalisent, voire filialisent leur informatique. Cela n’est manifestement pas votre intention.Qu’est-ce que cela nous apporterait ? Non, c’est un autre métier. Dans le secteur informatique, la rentabilité est plus forte que dans l’automobile. Regardez la capitalisation boursière de Microsoft ou de Cisco. Elle est beaucoup
plus forte que la nôtre. Dans notre secteur, la rentabilité est de l’ordre de 5 à 8 %. En informatique, elle set plutôt de 10, 15 ou 20 %. Si l’on décidait de mixer des équipes issues de l’automobile avec d’autres venant de l’informatique,
les difficultés seraient énormes. Tout d’abord en termes économiques. Il faudrait que ces équipes extérieures m’apportent beaucoup, et des choses exceptionnelles. Dans le groupe, nous préférons renouveler nos équipes, assurer une grande qualité
technique… Nous avons d’ailleurs embauché plus de cinq cents jeunes depuis quatre ans.

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Jean-François Ruiz et Pascal Minguet