Passer au contenu

Cyclone sur les comptes

L’équipementier français a vu s’envoler près de 5 milliards d’euros en 2001, la pire perte de son histoire. Les actionnaires sont groggy, et 2002 s’annonce cruel.

La dette à long terme d’Alcatel ? Du papier à haut risque… C’est du moins l’avis des experts de l’agence de notation américaine Moody’s. Le 9 juillet, leur verdict est tombé, tranchant à la manière d’une lame de guillotine : la ” qualité ” dette de l’équipementier français, dégradée, passe de Baa2 à Ba1. Elle ne mérite guère plus d’égards qu’un junk bond, une ” obligation pourrie “, hautement spéculative.Bien sûr, la direction d’Alcatel se défend bec et ongles. Elle aligne les arguments techniques. Elle explique que “le groupe a considérablement renforcé son bilan et sa position de trésorerie” ; qu’il dispose de plus de 4 milliards d’euros de liquidités au 30 juin ; que sa dette nette est “largement inférieure à 2 milliards d’euros” ; que la dette venant à échéance dans les douze prochains mois représente à peine 200 millions d’euros ; que les activités opérationnelles continuent à alimenter la trésorerie ; que tous les efforts de la société tendront à baisser le point mort trimestriel. “Vers fin 2003, précise même Serge Tchuruk, cet équilibre se situera à 3,5 milliards d’euros.” Pour lui, pas de doute, la décision de Moody’s “paraît refléter principalement l’appréciation négative par cette agence des perspectives du secteur des télécoms.”

En défense

Ce n’est sans doute pas faux. Car, comme le regrette Claire Pedini, directrice de la communication financière et des relations institutionnelles d’Alcatel “les marchés financiers adoptent trop souvent un comportement moutonnier, se laissant aller à une logique de secteur et non à une analyse concurrentielle : quand un équipementier diffuse une nouvelle (bonne ou mauvaise), toutes les actions du secteur bougent dans le même sens. Il y a deux ans encore, quand une société annonçait une bonne nouvelle, son cours grimpait, tandis que le cours des concurrents baissait. Or, la seule vraie question aujourd’hui est : qui est le mieux placé pour profiter de la reprise économique ?” Sous-entendu : Alcatel. Le raisonnement est impeccable. Mais rien n’y fait. La réalité des chiffres est tenace.

La douloureuse

En 2001, Alcatel a perdu près de 5 milliards d’euros, “les pertes les plus importantes de l’histoire de la société”, de l’aveu même de Serge Tchuruk. Le premier semestre 2002 s’est également révélé catastrophique, en dépit des efforts produits par la société pour abaisser son point mort : en six mois, la perte nette atteint 2,27 milliards d’euros (2,9 milliards au premier semestre 2001). Mais, surtout, le résultat opérationnel, c’est-à-dire hors frais de restructuration et amortissements, a plongé, passant en un an de + 222 millions d’euros à – 520. Bref, un véritable cyclone a ravagé les comptes de l’équipementier. Pour ne rien arranger, la publication d’un livre de Pierre Suard, l’ex-PDG d’Alcatel Alsthom est venue mettre en cause la qualité de la gestion de Serge Tchuruk. À en croire Pierre Suard, le recentrage de l’entreprise sur les télécoms a été une véritable catastrophe, notamment en termes financiers. Ce jugement, sans appel, séduira sans doute les milliers d’actionnaires individuels d’Alcatel, abasourdis par la descente aux enfers du titre depuis ses plus hauts de l’an 2000 : le titre s’échangeait alors au-delà de 97 euros. Début août, l’action Alcatel a touché un plus bas à 4,32 euros.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Michel Gassée