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Conjoncture : tout ou presque va mieux

En cette sortie de crise, il est encore difficile de distinguer, parmi les problèmes, ceux qui sont conjoncturels et ceux qui relèvent du structurel.

Presque tous les dirigeants d’entreprises de la filière électronique que nous rencontrons le disent : la conjoncture, depuis 3 mois, s’est nettement améliorée en France. Pas seulement ?” pour les
fournisseurs de composants ?” parce que les prix se sont stabilisés ou se redressent (depuis peu) dans le cadre de nouvelles commandes, mais surtout parce que ‘ les clients se réveillent ‘,
c’est-à-dire consultent à nouveau les fournisseurs pour de nouveaux projets ou passent des commandes légèrement plus importantes que prévu.Tous les secteurs consommateurs d’électronique n’ont toutefois pas le même comportement. Par rapport à la croissance moyenne mondiale de 8 % prévue cette année pour les marchés d’équipements électroniques
(1), les secteurs qui feront mieux, en France, sont tout d’abord celui de la carte à puce, en fort redressement, celui de l’électronique automobile (+ 10 % à attendre contre + 9 % environ en
2003) et celui des téléphones mobiles (nettement plus de 10 %).A titre d’exemple, en semiconducteurs, ces secteurs représenteront à eux trois presque la moitié des commandes d’origine française. Parmi les secteurs qui seront presque à 8 % de croissance figurent la défense (de
l’ordre de 7 %), l’informatique (aidée par des achats en dollars et des ventes en Europe, donc en euros), et les télécoms d’infrastructure (on peut imaginer que l’explosion de la demande en matériels ADSL français et
les commandes en infrastructures UMTS compenseront notre relative faiblesse en téléphonie IP et la faiblesse du marché pour le reste de la téléphonie fixe).

L’électronique française n’est pas si mal placée que cela

Parmi les secteurs qui feront moins bien que 8 % figurent l’aéronautique (moins de 5 %), l’industriel (de l’ordre de 5 %) et surtout le grand public, dominé par Thomson : si la R&D de Thomson
devait quitter la France, le pouvoir de décision français en grand public deviendrait négligeable.Manque de chance, c’est le marché qui croîtra le plus fortement cette année dans le monde grâce à des produits du type écrans plats, DVD, et appareils photo numériques. Au global, l’année qui s’annonce devrait tout
de même être légèrement meilleure pour l’électronique française que pour l’électronique mondiale, sauf si la croissance de cette dernière devait dépasser les 8 % annoncés.Ce relatif optimisme ne doit toutefois pas masquer les deux problèmes qui restent extrêmement préoccupants : la faiblesse du dollar et les délocalisations. Sur le premier point, tout a été dit, à part que, pour ceux qui ont de la
trésorerie, c’est le moment de rembourser leurs dettes en dollars ou de racheter des sociétés en zone dollar pour s’y implanter (si l’on n’a pas de trésorerie, il peut aussi être opportun d’emprunter en euros pour
payer en dollars, d’autant plus que les taux d’intérêt ne sont pas très élevés).Concernant les délocalisations, le mouvement est inéluctable dans les conditions actuelles : nous n’avons récemment rencontré aucun chef d’entreprise qui voulait accroître ses effectifs en France : les extensions
éventuelles sont toutes envisagées à l’étranger, de préférence en zone dollar. Donc y compris en Chine, puisque la monnaie chinoise a une parité fixe avec le dollar.Cela ne veut pas dire que les effectifs en France devront nécessairement diminuer : les clés du succès sur les marchés s’appellent aujourd’hui innovation et time-to-market. Les sociétés d’origine française
doivent donc obligatoirement garder un minimum de forces vives locales sous la main pour bénéficier d’une certaine avance sur leurs concurrents étrangers.Il est clair que ce jeu de vases communicants est loin d’être stabilisé. Suivant l’efficacité des actions de lobbying actuelles des représentants de la filière électronique et d’autres, les règles du jeu pourraient
changer : si de grands programmes européens en communications, sécurité et énergie, en particulier, devaient voir le jour, il est clair qu’une mobilisation se ferait à un niveau local ou européen.Nous avons déjà connu ce phénomène dans les années 1960-1970. Le monde politique est désormais sensibilisé au problème ; cela aussi est un mieux. L’année 2004 sera-t-elle celle du renouveau ou du laisser-faire ?
C’est un pan de l’avenir de l’électronique française qui va se jouer en tout cas cette année.* Rédacteur en chef d’Electronique International Hebdo(1) Nous estimons d’ailleurs pour notre part qu’il s’agit là d’une hypothèse pessimiste : non seulement le grand public explose mais les autres marchés pourraient connaître un effet de
rattrapage après trois années de crise.

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Jean-Pierre Della Mussia*