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Comment vendre la peau de Dolly après l’avoir clonée ?

La biotech PPL Therapeutics, créatrice de la célèbre brebis, peine à trouver la rentabilité. Les investisseurs se lassent.

Découverte scientifique ne rime pas forcément avec rentabilité. PPL Therapeutics, la société de biotechnologie écossaise qui a cloné la brebis Dolly, en est la preuve.Introduite en 1996 à la Bourse de Londres sur le FTSE, le marché principal, avant de rejoindre le Techmark, le marché des valeurs de croissance, cette “fausse jeune pousse” n’est toujours pas rentable après quinze ans d’existence. Les pertes de 2001 seront en ligne avec celles de 2000, soit quelque 19,5 millions d’euros. PPL Therapeutics est spécialisée dans la création et l’utilisation d’animaux génétiquement modifiés, pour produire à grande échelle des protéines humaines, ingrédients privilégiés des médicaments de demain.

Des cochons et des hommes

Outre Dolly, la brebis clonée en 1997, PPL Therapeutics a ?” entre autres ?” donné naissance à cinq porcelets dépourvus d’un gène jugé responsable du rejet de transplants porcins par le corps humain. Une découverte importante quand on sait que les organes de cochon sont particulièrement adaptés aux transplantations sur l’homme.Sur le papier, ce créneau est plein de promesses, le marché des produits transgéniques étant évalué à quelque 8,5 milliards d’euros. Car la création de protéines à partir d’animaux transgéniques reviendrait bien moins cher que les procédés utilisés actuellement par l’industrie.Mais, au-delà de l’aspect expérimental et médiatique, il reste le problème de la mise en production et de la commercialisation de ces molécules. C’est justement là que le bât blesse : “Entre le moment où un gène est inséré dans un embryon, et celui où l’animal donne naissance et commence à produire du lait, il faut parfois attendre jusqu’à 18 mois”, note un spécialiste.À cette difficulté technique s’ajoutent les problèmes liés à la réglementation médicale et à l’autorisation de mise sur le marché de produits pharmaceutiques. Sur les trois produits développés par PPL Therapeutics, un seul est en phase très avancée de développement. Or cette protéine baptisée RecAAT et présente dans le lait de brebis, ne devrait pas être commercialisée avant 2005. Une lenteur des procédés scientifiques et réglementaires qui plombe les résultats financiers de PPL. Pour faire face, la société a dû procéder en novembre à une augmentation de capital à hauteur de 51,5 millions d’euros.Autre ombre au tableau, la biotech écossaise a été contrainte par ses actionnaires à “restructurer” son équipe dirigeante. “PPL Therapeutics est dotée d’une excellente plateforme technologique, souligne Julie Simmonds, analyste spécialisée dans les biotechnologies pour la banque d’investissement Beeson Gregory, mais son ancienne équipe dirigeante était beaucoup trop technique. Il y avait une forte pression de la part des investisseurs pour apporter de réelles compétences commerciales au sein du groupe.” Il y a un mois, Alan Colman, directeur de la recherche et scientifique renommé, a démissionné pour rejoindre les rangs d’une compagnie disposant de fonds importants et spécialisée dans la thérapie cellulaire, activité annexe de PPL.Le départ de cette grosse tête a refroidi la communauté financière. L’action de PPL Therapeutics stagne aujourd’hui aux alentours de 50 euros, alors qu’elle en cotait 194 il y a un an. “Pour être viables, les sociétés de biotechnologie doivent à la fois être performantes techniquement et commercialement. Le capital scientifique ne suffit pas à lui seul”, tempère Julie Simmonds.

Caution scientifique

C’est oublier un peu vite que la valeur en Bourse d’une biotech dépend avant tout de la pérennité de son équipe scientifique. La chute récente du titre ne s’explique pas seulement par la crise de la fièvre aphteuse et l’annonce récente de l’arthrite de la brebis Dolly. Certes, le vieillissement prématuré des animaux issus du clonage a suscité des doutes sur l’avenir de cette industrie. Mais ce n’est une qu’une incertitude parmi tant dautres.* à Londres

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Stéphanie Salti*