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Comment Uber a pillé les secrets de ses concurrents

Espionnage, infiltration, hacking… la compagnie de VTC ne reculait devant rien pour voler des informations sur ses rivaux. On connaît enfin le détail de ces méthodes grâce au témoignage d’un ancien employé.

Encore un scandale qui entache l’image d’Uber. Il y a quelques semaines, le procureur général en charge du différend opposant Waymo à Uber avait découvert une lettre très compromettante pour la compagnie de VTC, au point de reporter le procès. Un ancien employé chargé de la sécurité de la société, Richard Jacobs, y détaillait des pratiques d’espionnage dignes d’un thriller. 37 longues pages rédigées par son avocat et adressées au mois de mai dernier à la responsable juridique d’Uber Angela Padilla, alors que l’homme avait déjà quitté la société. Ce qui avait filtré jusqu’ici, c’est l’existence d’une cellule dédiée à l’espionnage. Le détail de son fonctionnement est enfin révélé. Et il vaut le détour.

Des cartes SIM pour simuler conducteurs et clients

« Ce programme, anciennement connu sous le nom de Services Stratégiques du Groupe, sous la direction de Nick Gicinto, collectait des renseignements et supervisait une surveillance illégale, y compris l’enregistrement de conversations privées de dirigeants de sociétés concurrentes comme DiDi Chuxing, ainsi que de ses propres employés et entrepreneurs du centre de Pittsburgh », cite Recode. La lettre, totalement accablante, est accessible en ligne mais de nombreux passages ont été totalement noircis par la justice.

Tout aussi grave, Uber aurait mis en place un réseau de serveurs anonymes pour lancer des appels sur les services de ses rivaux et aurait utilisé des cartes SIM pour simuler des faux conducteurs et clients. Ce qui lui aurait permis de voir comment réagissaient les plateformes et de collecter quantité d’informations confidentielles par rétro-ingénierie.

Espions sur le terrain et falsification de documents

Uber possédait aussi des agents infiltrés sur le terrain, surveillant les taxis localement ou recrutant des sources chez les concurrents. Une équipe aurait même enregistré les conversations des cadres d’une société réunis dans un hôtel pour une conférence. «  Les agents déployés contre ces cibles ont été capables d’enregistrer et d’observer des conversations privées des dirigeants – y compris leurs réactions en temps réel à l’annonce par la presse qu’Uber allait recevoir 3,4 milliards de dollars du gouvernement Saudi », décrit l’avocat de Richard Jacobs dans la lettre. Cerise sur le gâteau, les identités de certains chauffeurs de taxi auraient été également usurpées pour s’infiltrer en ligne dans groupes d’opposants discutant sur Facebook.

Uber aurait enfin adopté des systèmes de communication chiffrés en interne comme Wickr, et ordonné la falsification et la destruction de contenus, logiciels et matériels afin d’entraver de possibles enquêtes et ne laisser aucune preuve légale exploitable au cours d’un litige. Les compte-rendus de toutes ces activités étaient soumis à la « War room » au siège d’Uber afin d’être portées à la connaissance des dirigeants et notamment du PDG Travis Kalanick.

A la suite de cette lettre, Richard Jacobs aurait conclu avec Uber une transaction de 4,5 millions de dollars l’engageant à se taire. Il aurait aussi continué à travaillé comme consultant pour la société avec pour mission d’assainir ses pratiques. Mais la découverte du document par la justice l’a contraint à sortir de ce silence tarifé.

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Amélie Charnay