Passer au contenu

Comment les filiales américaines recrutent leurs jeunes patrons

Pour accéder au poste de ” country manager ” ou de directeur général, mieux vaut un vrai succès commercial et un bon carnet d’adresses qu’un MBA.

Autrefois les candidats au poste de directeur général ou de country manager devaient avoir largement dépassé le cap de la quarantaine pour tenir le gouvernail du navire. Les trentenaires débarquent sur le pont. Aujourd’hui, depuis peu, Thierry Drilhon, diplômé EAD Paris, a pris place, à trente-six ans, dans le fauteuil du directeur général de Cisco Systems France. Certes, ce capitaine de vaisseau occupait jusqu’alors la fonction de directeur de la division entreprises de Microsoft France. Autre nomination significative : celle de Stéphane Schweizer, appelé à trente et un ans au poste de directeur général France et Europe du Sud chez WRQ, un éditeur spécialisé dans les solutions d’intégration et de connectivité pour l’entreprise. Avant de prendre ce poste, ce jeune homme pressé était chargé du développement commercial pour la France. Deux exemples significatifs du virage annoncé.

Un brillant bac+2 peut tenir la barre

Les candidats seront désormais plus jeunes et pas forcément pourvus des diplômes qui, auparavant, étaient incontour-nables. Il y a cinq ou six ans, les candidats au poste de directeur général devaient, en effet, avoir un MBA (Master of Business Administration) pour espérer prendre la barre. A moins d’avoir gravi patiemment les marches de la hiérarchie. A l’image de Bernard Dufau, diplômé de Supélec et nommé PDG de IBM France, il y a cinq ans. Or, face à la pénurie de main d’?”uvre sur le marché de l’informatique en Europe, les patrons américains et les chasseurs de têtes commencent à revoir leurs critères de sélection à la baisse. Tant au niveau de l’âge qu’au niveau universitaire. Un brillant bac + 2 a désormais toutes ses chances face à un bac + 4 ou 5. En revanche, la connaissance des marchés reste indispensable. “D’autant que les directeurs généraux ont des responsabilités juridiques, fiscales et financières à endosser. Ils doivent être capables de dialoguer avec des investisseurs ou avec des banquiers“, souligne Nathalie Duprey, consultant au cabinet BRC. Cela explique que, dans bon nombre de grandes SSII ou dans les télécoms, les directeurs généraux ont souvent des profils mixtes avec des parcours techniques, marketing ou commerciaux. Quand ils ne sont pas issus de cabinets de conseil de type MacKinsey. Pour preuve, le nouveau patron d’EDS, Antoine Rostand, nommé à trente-six ans PDG d’EDS France en 1999. Diplômé de l’Ecole polytechnique (promotion 1982) et de l’Insead (MBA, promotion 89), ce jeune patron était précédemment directeur au sein du cabinet AT Kearney, un spécialiste du management et du conseil.
Entre deux candidats, celui qui sera choisi au final ne sera pas forcément le plus diplômé. Les Américains sont très sensibles à la personnalité du candidat. C’est surtout vrai lorsqu’il s’agit de recruter un country manager. Appelés à prendre, en cas de succès commercial, la direction générale de l’entreprise qu’ils auront eu la charge de créer, ces patrons de filiales portent plusieurs casquettes. Ils doivent savoir recruter et animer des équipes, être bons tacticiens pour appliquer la stratégie marketing de la maison mère, et trouver un canal de distribution pour les produits.

Faire ses classes dans une structure anglo-saxonne

Pour ce type de postes qui demandent une fibre commerciale très développée, contrairement au directeur général, certains cabinets n’hésitent pas à proposer de très bons candidats ayant tout juste un bac + 2. A condition que ces derniers témoignent de résultats significatifs lors d’une précédente expérience ou attestent d’un bon carnet d’adresses.
Sur un marché où tout le monde se connaît, les relations d’affaires avec les clients et les fournisseurs jouent beaucoup. En choisissant un candidat dans une entreprise concurrente, les patrons américains misent sur la potentialité de son carnet d’adresses. “Cela permet d’ouvrir certaines portes et de faciliter l’intégration de l’entreprise sur son marché en un minimum de temps. Surtout si elle est positionnée sur le secteur des services ” indique Christophe Lechère, directeur marketing-développement chez Stepstone.
Autre facteur décisif : la connaissance de la culture anglo-saxonne. Les country managers et les directeurs généraux se doivent d’être bilingues pour commenter leur reporting et défendre leur point de vue face à la maison mère. “Pour autant, les Américains n’iront pas demander au candidat un accent irréprochable, car ils parlent eux-mêmes rarement une deuxième langue, et surtout, ils ont l’habitude qu’on massacre l’anglais.” confie Bertrand Sciard, directeur Europe de l’éditeur canadien GEAC. “En revanche, ils demandent au candidat d’avoir une expérience américaine – une année universitaire, voire un stage de longue durée. Ou, mieux, d’avoir accompli ses classes dans une structure anglo-saxonne”, indique Frédéric Foucard, directeur associé du cabinet Adwelson. Plus qu’ailleurs, les patrons américains s’intéressent au pedigree du candidat. Ils veulent savoir “dans quelle entreprise il a fait ses armes, quels ont été les résultats en termes de chiffre d’affaires et de construction de business “, souligne Eudes Le Gars, directeur du développement informatique dans le cabinet de recrutement de Michael Page.

Savoir faire un reporting précis

“Ils apprécient également que les candidats aient accompli des parcours cohérents dans des entreprises dont ils reconnaissent la valeur et où ces derniers sont susceptibles d’avoir acquis des méthodes de travail. Des méthodes réputées pour être pragmatiques, avec une part importante consacrée au reporting.” Et le consultant Bernard Riquier de résumer : “Leur mode de recrutement est très affectif. Du coup, lorsqu’un candidat les séduit, les décideurs américains ne vont pas forcément prendre la peine de vérifier ses références. Quitte à se montrer, sur ce point, un peu naïfs.” Pour éviter que les échecs au recrutement tournent mal sur le long terme, les Américains ont trouvé la parade en imposant à leurs responsables de filiale d’être très rigoureux sur le reporting. Savoir en faire un est considéré comme crucial outre-Atlantique. C’est pour eux la base de la confiance et l’assurance qu’ils n’auront pas de surprises. Comme le rappelle Bertrand Sciard, qui vient de nommer une femme, Viviane Riveiro, directeur général France chez GEAC. “Elle est très précise dans ses reportings, et c’est aussi un excellent manager. Ses troupes l’adorent, même si elle sait prendre des mesures impopulaires quand il le faut. Et, surtout, elle a du bon sens et elle est très réactive.” A la vitesse où se déroulent les affaires, la capacité de prendre des décisions est un élément majeur du choix du candidat.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Eliane Kan