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Comment les entreprises font des économies

Les atouts du net : gestion segmentée par catégorie de personnels voyageurs, visibilité des coûts, détection automatique de seuils de négociation. Déjà, en 2000, 39 % des habitués des déplacements professionnels ont réservé leur billet en ligne.

Le leader mondial des logiciels de bases de données Oracle affirmait, en début d’année, par la voix de son directeur financier Jeff Henley, pouvoir économiser 16 millions de dollars (18,27 millions d’euros) en 2001 et plus de 100 millions de dollars sur les cinq prochaines années. Pour y parvenir, Oracle ne cédera pas à la mode des licenciements massifs mais coupera simplement dans ses coûts, en l’occurrence ceux relatifs aux voyages d’affaires. L’éditeur utilise, depuis le 1er mars dernier, les services et la technologie de sa filiale E-Travel, spécialisée dans l’Enterprise Travel Management, la gestion de la politique voyage en entreprise. Un domaine à la fois technologique et organisationnel qui, comme bien d’autres, migre sur les plateformes de commerce en ligne.Chez Oracle, le budget consacré aux voyages d’affaires s’élève annuellement à 600 millions de dollars. Une somme considérable, mais qui correspond aux investissements que doit consentir une entreprise aux ramifications internationales. Ainsi, IBM atteint en moyenne 1 milliard de dollars par an en frais de voyages d’affaires, dont 400 millions de dollars dans le seul budget des billets d’avion. La mise en place d’un outil de réservation online, donc de simplification du processus de gestion du voyage d’affaires, est un enjeu majeur de réduction des coûts pour les grands comptes.C’est dans ce créneau technologique que s’est engouffré KDS, dès 1994. Cette société française a été fondée sur l’idée de proposer les outils sur PC, nécessaires pour la réservation online de billets d’avion, chambres d’hôtels, etc. Ses solutions se connectent aux GDS (Global Distribution System), système global de distribution de voyages, permettant une visibilité en temps réel des disponibilités. En 1996, KDS décide de se consacrer exclusivement au voyage d’affaires. Si au nombre de ses clients figurent des agences de voyage ou des places de marchés, son c?”ur de cible reste les grands comptes. À l’ère de l’e-procurement, qui consiste à voir les processus d’achat transiter peu à peu via internet uniquement, Yves Weisselberger, cofondateur et PDG de KDS, porte un regard nuancé sur l’impact de la gestion en réseau du voyage d’affaires : “ Ce n’est pas tant sur l’acte d’achat qu’internet a modifié les comportements des entreprises. Les grands comptes intègrent notre middleware pour avoir accès à la réservation en temps réel, mais ils continuent d’entretenir des relations avec une agence de voyages traditionnelle pour l’acte d’achat et la gestion du billet. “
Le schéma de l’implant est encore de mise dans de nombreux grands comptes. Cela signifie que l’agence de voyage prestataire délègue physiquement des salariés au sein de l’entreprise. Ainsi en Angleterre, pas moins de 70 personnes de l’agence Carlson Wagonlit Travel sont dédiées au groupe pétrolier BP. “Sur le marché du voyage d’affaires, les grands comptes ne sont pas encore prêts à travailler avec des “pure players”, qu’ils ne considèrent pas assez mûrs en “travel management” pour leurs besoins colossaux, à une échelle mondiale “, précise Yves Weisselberger. Un aspect corroboré par le choix d’Airbus Industrie de faire confiance au partenariat réunissant le leader des GDS en Europe, Amadeus, et celui des progiciels de gestion intégrés, SAP, pour le déploiement de la solution Amadeus SAP Travel Management. Une solution adoptée en février dernier par Airbus Industrie, qui l’a intégrée au sein de son siège social, à Toulouse, pour ses 2 500 utilisateurs.

Les PME, un marché ouvert

Julien Lever, directeur général du groupe de marketing et communication Equation Consulting, reconnaît volontiers la réticence des grands comptes à modifier leurs habitudes en matières de voyages d’affaires : “ Le marché des grands comptes est verrouillé par les agences de voyage, Carlson Wagonlit Travel, Havas et autres, et par les compagnies aériennes qui possèdent toutes un département dédié à ces entreprises.
Son groupe a abordé le marché du voyage d’affaire en créant, début 2000, Equation Travel, société qui compte dans son capital Marc Rochet, actuel président d’AOM Air Liberté, à hauteur de 25 %. “ L’idée de départ est de mettre en place des extranet dans les systèmes d’information des entreprises, PME et PMI, afin de proposer au directeur des achats une interface de gestion de la politique de voyage.” Pour le cas où l’entreprise ne souhaite pas cette intégration, Equation Travel propose un accès sur code à son site web. Cette solution de tourisme en ligne ciblée PME-PMI est connectée à Sabre, un GDS particulièrement présent sur les marchés américains et asiatiques. “Connaître la disponibilité réelle dans tous les avions pour la réservation, puis payer online et être livré à sa convenance représente pour la PME un gain de temps, donc de coût “, explique Julien Lever. L’accès par internet à un panel important de compagnies aériennes garantit l’obtention du meilleur prix pour chacun des voyages. Mais au-delà de l’émission du billet, de la gestion de la livraison, Equation Travel mise particulièrement sur la rationalisation de la politique de voyage d’affaires.
Cet axe stratégique apparaît aussi dans la définition d’Egencia, un prestataire fondé en février 2000 par John Perkins et Jean Pierre Remy, ancien vice-président de Bain & Company. Les activités de cette start-up ont démarré en novembre 2000 et la commercialisation en janvier. John Perkins, directeur général d’Egencia, présente sa société comme ” un nouveau type d’agence de voyage combinant réservation, achat online, et gestion des voyages d’affaires “. Egencia propose des sites internet personnalisés aux PME, “qui n’ont pas les ressources nécessaires à l’intégration de la technologie d’un système de gestion“. Le seul développement de la solution technologique d’Egencia, basé sur le middleware de KDS, a coûté 1,5 million d’euros (10 millions de francs).Le voyage ne se résumant pas au transport aérien, Egencia complète son offre de plus de 700 compagnies par l’accès à la réservation auprès de 50 000 hôtels, 60 sociétés de location de voitures ?” ce qui constitue la gamme usuelle d’un GDS ?” et, récemment, à la SNCF. Lui-même habitué des voyages d’affaires, John Perkins, auparavant directeur des opérations ventes et marketing, en charge d’internet pour l’Europe du Sud chez Dell Computer, insiste sur l’importance du système de gestion : “C’est sur ce point que nous faisons toute la différence avec un réseau traditionnel d’agences de voyage. Notre service simplifie le processus de réservation et d’achat en reposant sur une offre multi-accès instantanée ?” e-mail, web, téléphone. Mais il doit aussi conduire, à moyen terme, à une réduction du budget de voyage des entreprises.

Une vision plus claire des coûts

C’est bien dans l’informatisation de la gestion du budget voyage que réside la valeur ajoutée de ces acteurs face au circuit traditionnel. “Le responsable du budget, directeur financier, directeur des achats, ou autre, doit se poser la question de savoir qui achète quoi en matière de voyage “, explique John Perkins. Pour l’entreprise, il s’agit au préalable d’établir des règles concernant sa politique de voyage. Elles définiront parmi les collaborateurs pouvant voyager différentes permissions : quelle classe leur est ouverte sur les vols, sur quelle compagnie, quel budget leur est alloué pour leurs nuitées d’hôtels, pour la location d’une voiture, etc. Toute commande de voyage par un collaborateur passera par le filtre des différentes règles établies par l’entreprise. Le responsable du budget voyage pourra ainsi avoir une visibilité des dépenses, sortir des statistiques afin de dégager les dépenses par centres de coûts, voyageurs et fournisseurs.
Un préalable indispensable à l’optimisation de son budget, selon John Perkins : “En mesurant précisément le volume d’affaires en voyage qu’elle génère, l’entreprise peut obtenir des tarifs négociés auprès des fournisseurs.” Afin d’y parvenir, la technologie d’Egencia est capable de détecter des seuils de négociation. La société a, en outre, signé de nombreux accords avec des compagnies aériennes (une quinzaine), 11 groupes hôteliers, lui permettant de proposer des tarifs négociés, avec des réductions de 15 à 60 % par rapport aux tarifs publics. “ Le retour sur investissement grâce aux tarifs négociés, et le contrôle des dépenses sont les deux raisons majeures pour lesquelles les entreprises sont prêtes à passer online en matière de voyages d’affaires“, renchérit Christian Coulaud, directeur et fondateur de Runaworld.com.
Ce voyagiste d’affaires online, fondé en novembre 1999, est né de l’expérience acquise par son directeur depuis 15 ans en agence de voyage : “ En marge d’un simple “pure player” internet, je qualifierais Runaworld d’agence de voyage traditionnelle dont les rapports avec sa clientèle sont optimisés par le biais du site internet et de la technologie mise en ?”uvre “. Relié à Amadeus, Runaworld donne aux entreprises un accès à son site pour l’ensemble de la chaîne de voyages : réservation, achat, facturation, livraison, rapports et statistiques. Le site a été lancé en février 2000, après une première levée de fonds de 300 000 euros. La solution online a tout d’abord été offerte comme service supplémentaire gratuit pour le portefeuille de clients hérité de la précédente agence de voyage de Christian Coulaud. Le mode de facturation évolue depuis vers un abonnement mensuel de l’ordre de 762 à 1 524,5 euros, qui sera définitivement fixé début 2002, et une commission classique de l’ordre de 7 à 10 % sur chaque billet payé. Cette commission est celle en usage dans les agences de voyage.

Rémunérations à la commission

De son côté, Equation Travel facture différemment selon que le système est relié à celui de l’entreprise ou qu’un accès est donné sur le site web, respectivement 457,3 et 762 euros par mois. Egencia, elle, tire ses revenus des commissions sur les ventes de billets. La cible de ce voyagiste est constituée des entreprises réalisant un volume d’affaires en voyage compris entre 381 000 euros et 4,6 millions d’euros.Commercialisé depuis le début de l’année, le service web d’Egencia a déjà séduit une centaine de clients. La société recrute entre trois et cinq clients par semaine, selon John Perkins. Runaworld annonce près de 320 clients et la signature de 10 clients chaque mois. Une croissance que ne saurait soutenir Equation Travel, freiné dans son élan par sa recherche de fonds ?”au moins 2,3 millions d’euros?” entamée en septembre. Malgré la “morosité ambiante, qui a affecté les investisseurs depuis l’année dernière “, Julien Lever ambitionne de réunir son tour de table d’ici à la rentrée prochaine. Il projette 301 000 euros de chiffre d’affaires pour l’année 2001… Si la levée de fonds est réalisée.Christian Coulaud, plus prudent, mise pour Runaworld sur 1,2 million d’euros de chiffre d’affaires pour l’exercice 2001. Pour son développement européen, Egencia est actuellement en discussion pour son second tour de table. Le premier en novembre 2000 lui a permis de récolter 6,1 millions d’euros, principalement auprès de Carlyle Internet Partners Europe.Selon Forrester Research, les marchés européens de la réservation et de la vente de voyages online devraient connaître une croissance supérieure à 100 % par an jusqu’en 2003, soit deux fois le taux de croissance attendu aux États-Unis. Désireux de ne pas rater leur part de cette manne, les pure players ont compris qu’ils devront rapidement se donner les moyens de leurs ambitions. Les investisseurs sont avertis.

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Christophe Dupont