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Comment LA RADIO fait le show à la télé

Fin 2010, BFM Business devient la première chaîne d’informations économiques radio-TV en France. Le studio automatisé, mis au point à cette fin, suscite la curiosité dans le paysage audiovisuel français et européen.

Novembre 2010. Le présentateur de BFM Radio s’installe sur le plateau et débute son émission. Les auditeurs qui l’écoutent régulièrement sur la bande FM, dans leurs véhicules ou chez eux, ne notent aucun changement particulier si ce n’est que leur radio vient d’être renommée “ BFM Business ”. D’autres, en revanche, vivent en direct une petite révolution. En allumant leur poste de télévision (via la TNT en Île-de-France, le câble ou l’ADSL), ils ont pour la première fois la possibilité de visualiser non seulement l’émission et les invités, mais également les infographies qui viennent étayer les propos du présentateur. Désormais, BFM Business s’écoute ET se regarde.C’est en août 2010 qu’a été lancé le grand chantier de transformation de BFM Radio, du groupe NextRadioTV (maison mère du Groupe 01), en une chaîne d’informations économiques radio-TV. Philippe Espinet, nommé directeur délégué de la future BFM Business, a été chargé de sa réalisation. “ L’un des objectifs était de préserver la dynamique de la radio, et notamment les enchaînements sonores et autres jingles. Nous ne voulions pas perturber les auditeurs. En matière de réalisation vidéo, beaucoup d’éléments – son, images, génériques, jingles – doivent être synchronisés et assemblés très précisément pour éviter les écrans noirs, explique-t-il. Nous avions également un enjeu économique à prendre en compte. Nous avons orienté notre réflexion vers un système de pilotage automatique pour la réalisation vidéo, car nous devions travailler avec l’équipe de réalisateurs audio en place ”. Charge à eux de gérer les différentes tâches : lancer un générique vidéo comme ils le font d’un générique radio ou choisir les plans qui passent à l’antenne. Pour que ces actions restent intuitives, il a fallu développer une interface logicielle proche de celle qu’ils utilisent habituellement.

Du mode automatique…

“ Ensuite, nous avons choisi d’utiliser des caméras robotisées avec des moteurs de positionnement, que le réalisateur radio pourrait directement piloter. Seul problème, aucun outil du marché ne répondait à ce cahier des charges. Nous devions trouver les différents composants de la solution puis assurer leur intégration. Et tout cela en trois mois seulement ! ” poursuit Philippe Espinet. Sur le plan matériel, le directeur délégué de BFM Business retient l’offre de Sony. Cette dernière se compose de caméras BRC-Z700 et d’un mélangeur vidéo MVS-6000, une console permettant d’afficher les changements de plans à l’écran : “ Sony nous a ouvert les portes de son laboratoire, et nous avons pu travailler avec ses ingénieurs pour finaliser les protocoles de communication entre les différents matériels. Comme nous souhaitions automatiser le plus grand nombre d’opérations possible, nous avons adapté largement le paramétrage des caméras. ”Et Philippe Espinet de préciser ses choix techniques : “ Nous avons aussi opté pour des détecteurs de modulation (DSP) qui repèrent les personnes qui parlent devant le micro et qui activent automatiquement les caméras. Par exemple, lorsque le présentateur prend la parole, la caméra se fixe automatiquement sur lui pour une durée pouvant aller de quatre à vingt secondes. Ensuite, c’est une autre caméra qui prend le relais, soit pour filmer un plan large du plateau, soit pour se focaliser sur un invité qui intervient. Le système est capable également de gérer un besoin de caméras supplémentaires. S’il y a, par exemple, trois invités pour deux caméras, le système peut commander un plan large à une caméra, de manière à laisser à la seconde le temps de se focaliser sur l’un des invités. ”Baptisée XCamPilot, l’application mise au point avec Sony s’apparente à un assistant d’aide à la réalisation vidéo. Pour la concevoir, Philippe Espinet a fait appel à un ancien réalisateur de BFM TV, Romain Mogenet, lequel a apporté son expertise sur les règles de réalisation et sur le rôle du mélangeur. La solution logicielle est hébergée sur un ordinateur Dell T3500. Le PC comprend une carte d’acquisition vidéo (huit voies) et de compression H.264. Les connexions s’effectuent par quatre ports USB et autant de ports série.“ Nous avons sept caméras sur le plateau. En régie, l’interface du logiciel affiche une vignette par caméra sur un écran tactile. En mode contrôle manuel, le réalisateur a juste à cliquer sur une vignette pour sélectionner la caméra correspondante. Le système XCamPilot peut également mémoriser une quinzaine de positions par caméra. Ces calages (position, focus, zoom…) choisis par le réalisateur font l’objet d’un “ shoot ”, une sauvegarde qui apparaît aussi sous forme de vignettes sur un autre écran de contrôle tactile. Pour activer une position, il suffit de cliquer sur la vignette ou d’utiliser un joystick. Le rappel d’une position préenregistrée procure un gain de temps et garantit un changement très rapide entre deux plans ”, se réjouit Philippe Espinet. En plus du travail sur les caméras, il a fallu adapter le mélangeur vidéo aux exigences du cahier des charges. Et notamment le “ conducteur ”, véritable playlist de tous les éléments diffusés à l’antenne, puisqu’il intègre à la fois les éléments TV et radio. Le système mis en place devait ainsi permettre de détecter automatiquement les sujets vidéo et les sujets audio, ces derniers devant impérativement être “ habillés ” d’images ou d’infographies afin d’éviter les écrans noirs lors de leur diffusion. Ces modifications ont évité l’utilisation de deux conducteurs antenne, l’un pour les flux audio, l’autre pour les flux vidéo.

… au mode manuel

Dès le lancement de la radio-TV BFM Business, tout marche ! La solution se montre efficace : “ En l’espace d’une semaine, le réalisateur et le truquiste se sont approprié la solution et ils ont basculé du mode automatique au mode manuel, tout en préservant la dynamique radio ”, conclut Philippe Espinet. Au final, deux personnes assurent la réalisation : un réalisateur (radio !) et un truquiste pour les incrustations à l’antenne (bandeaux, infographies…). Pas de cadreurs, pas de réalisateur vidéo, pas d’ingénieur vision… tout a été conçu pour fonctionner avec les compétences des professionnels de la radio. La prouesse technique est incontestable et suscite la curiosité de l’audiovisuel européen. Mais reste à relever un défi, le plus gros : convaincre les téléspectateurs.

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Rémi Langlet