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Comment ça marche : la colorimétrie

Obtenir à l’écran les couleurs que l’on avait devant les yeux lors de la prise de vue n’est pas toujours simple. Restituer à l’impression ce que l’on voyait à l’écran l’est encore
moins ! Pourquoi de telles différences ? Petit voyage au centre de la couleur…

La couleur n’existe pas. Affirmation provocatrice ? Pas du tout. Car la couleur n’existe que grâce à la lumière. Lorsque vous voyez un objet de couleur, c’est parce que sa surface ne renvoie qu’une
partie des rayons lumineux qu’elle reçoit. Ainsi vous distinguerez une pomme rouge à la lumière du jour, car sous cette lumière dite ‘ blanche ‘
 ?” parce qu’elle n’a pas de dominante sensible
à l’?”il ?”, c’est la composante rouge de la lumière que la pomme renvoie.Éclairée par une lumière composée différemment, la même pomme apparaîtra de couleur différente ; ainsi, elle semblera plus orangée sous une ampoule électrique, plutôt jaune sous un néon, etc. Contrairement à des éléments objectifs
comme le poids ou la taille, la couleur est donc une notion subjective.Pourtant, les appareils photo, caméscopes, écrans et imprimantes ont pour mission de reproduire la même ‘ sensation de couleur ‘ que celle qui aura été éprouvée en observant la scène photographiée ou filmée.
Pour ce faire, ces appareils utilisent des systèmes permettant de recréer la couleur. Mais là où les choses se compliquent, c’est que ces systèmes sont différents selon que l’on photographie ou que l’on imprime.

Reconstituer la couleur

Il existe deux façons de reproduire la couleur.La première consiste à créer de la lumière : en ajoutant trois rayons lumineux ?”bleu, vert et rouge?” en quantités égales, on produit une couleur blanche. Et en faisant varier l’intensité de chaque
rayon, on crée toutes les autres couleurs.La seconde procède à l’inverse. Sur un support blanc éclairé par une lumière blanche, le mélange en quantité égale de pigments de couleurs dites ‘ primaires ‘
 ?” magenta, cyan et
jaune ?”, fait disparaître la lumière; on obtient donc du noir. En faisant varier la dose de chaque ‘ primaire ‘ dans le mélange, on crée toutes les autres nuances.La première méthode, dite ‘ additive ‘
 ?” car le mélange de couleurs donne du blanc, l’absence de couleurs du noir ?” ou RVB (pour Rouge, Vert, Bleu), est utilisée par les appareils
photo, les caméscopes et les écrans.La seconde, dite ‘ soustractive ‘
 ?” le mélange donne du noir, l’absence de couleurs du blanc ?” est utilisée par l’imprimerie et les imprimantes. On l’appelle également
CMJN pour Cyan, Magenta, Jaune… et Noir, car les pigments utilisés étant insuffisamment purs, on ajoute du noir pour imprimer le texte et renforcer… les noirs !La prise de vue utilise donc la méthode additive, et se base sur une lumière blanche. C’est la raison d’être de la fameuse ‘ balance des blancs ‘ des appareils. Car si la lumière qui éclaire le
sujet est déséquilibrée (comme le vert des néons ou le jaune orangé des lampes incandescentes), les couleurs des images captées accuseront de fortes dominantes, que l’?”il ne perçoit pas toujours. D’où la nécessité d’une
correction qui s’effectue en ‘ trichant ‘ avec l’électronique de l’appareil pour lui indiquer: ‘ Cette zone doit être considérée comme
blanche ! ‘
Mais comment l’appareil, qui ne produit pas de lumière comme le fait un écran, compose-t-il les couleurs à partir du rouge, du vert et du bleu ? En commençant… par les décomposer ! De minuscules filtres sont
placés devant les éléments sensibles du capteur, de telle façon que certains ne capturent que la partie rouge de l’image, d’autres la partie verte et d’autres enfin la partie bleue. L’électronique recombine ensuite ces
informations pour générer les couleurs des photos.

Des écarts inévitables… et parfois importants

À ce premier niveau, il peut déjà y avoir des dérives importantes, volontaires (comme nous le verrons) ou dues à une électronique de faible qualité. C’est une des raisons pour lesquelles certains appareils, voire certaines
marques, produisent des images avec une légère dominante.Nous le constatons systématiquement lors de nos comparatifs d’appareils photo et de caméscopes : des disparités colorimétriques importantes existent entre des images prises au même instant.De leur côté, les imprimantes, nous l’avons vu, utilisent la méthode soustractive: elle part d’un papier blanc sur lequel elle pose des encres qui vont venir l’obscurcir. Cette différence de fonctionnement explique
que même si l’appareil génère des images parfaites sur le plan de la couleur, lorsqu’on les regarde sur un écran (qui utilise la même méthode de formation des couleurs), obtenir le même résultat sur le papier n’est pas toujours
simple.Quant aux logiciels le retouche, ils travaillent eux aussi à l’écran, donc en mode RVB. Pour tenter de mieux rendre compte de ce que donnera l’impression, les plus sophistiqués, comme Photoshop, disposent de fonctions
permettant de simuler le rendu d’une photo en mode CMJN. Mais toujours avec une inévitable marge d’erreur ! Conséquence de cette conversion délicate: même si tous les éléments de la chaîne sont d’excellente qualité, de
l’image capturée à son impression, les écarts sont quasiment inévitables. Les défauts et les différences de réglages de chacun des éléments aidant, on comprend pourquoi cet écart peut parfois devenir spectaculaire.

La couleur, un choix de marketing

La politique marketing de chaque marque influe également sur les couleurs. Car puisque la couleur est une notion subjective, la fidélité de l’image par rapport à ce que l’?”il voit de la scène s’avère parfois
décevante !Ainsi, Canon reconnaît que ses caméscopes flattent les tons bleus et verts pour restituer des images plus colorées. Lexmark, pour sa part, calibrait, il y a quelques années, toutes ses imprimantes de façon à présenter une colorimétrie
très réaliste. Ce fut un échec ; les clients trouvaient les images trop ternes. Depuis, le constructeur force le contraste des couleurs.
‘ Nous avons réalisé qu’une imprimante doit reproduire ce qui plaît et non pas la réalité, explique le directeur marketing de la division grand public de Lexmark France. En outre,
chaque région du monde a ses goûts propres. Les Européens préfèrent le contraste, les Américains apprécient le magenta, et les Asiatiques le jaune. Nos pilotes d’imprimantes sont donc réglés différemment selon les régions du monde où les
machines sont vendues. ‘
Cette stratégie est également pratiquée par Epson qui crée des profils ICC (espace colorimétrique) propres à chaque zone géographique.Mais l’appréciation du goût des clients diffère quelque peu de celle de son concurrent. ‘ Aux États-Unis, on aime les couleurs clinquantes, alors que les Européens sont sensibles au réalisme et au
naturel ‘, estime le chef de produits grand public. Mais pour lui, il n’y a pas que la région qui joue : ‘ Les profils ICC ne sont pas les mêmes selon le prix de l’imprimante. Sur des modèles
d’entrée de gamme, on force davantage sur le contraste, car les clients attendent des teintes très vives. Plus vous montez en gamme, plus l’utilisateur exige des images réalistes. ‘Bref, si les imprimantes vendues par Epson à travers le monde sont identiques, les réglages par défaut des profils ICC contenus dans le pilote diffèrent. Mais un simple calibrage de l’imprimante par l’utilisateur permet
de le modifier à sa guise. Une opération qu’effectuent systématiquement tous les photographes professionnels.

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Edouard Maire