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Comment Anacrim, le logiciel d’analyse criminelle, a relancé l’affaire du petit Grégory

Capable de collecter, d’analyser et de visualiser un grand nombre de données disparates, ce logiciel a permis aux enquêteurs de mettre en évidence des incohérences qui leur avaient échappé jusque-là.

Trente-deux ans après les faits, l’affaire du petit Grégory – l’une des plus grandes énigmes criminelles françaises – a été relancée de façon spectaculaire grâce à un logiciel : Anacrim. Dédié à l’analyse criminelle, il a permis aux enquêteurs de dégager de nouvelles hypothèses de travail et les a mis sur la piste du et des corbeaux éventuels. Marcel Jacob et sa femme Jacqueline viennent ainsi d’être déférés au parquet général de Dijon, notamment sur la base d’une analyse graphologique.

Conçu au milieu des années 1990 pour la Gendarmerie nationale, Anacrim permet de traiter un grand nombre de données différentes et de faire des recoupements : téléphonie, comptes bancaires, procès-verbaux, analyses ADN, documents divers, etc. Le logiciel se compose de quatre modules : ATRT pour l’exploitation automatisée de relevés bancaires et des données téléphoniques, ANB pour l’analyse et la représentation visuelle des données, IVC pour l’identification des victimes de catastrophe et Mercure pour l’analyse des données téléphoniques obtenues sur réquisition. La relance de l’affaire du petit Grégory s’appuie avant tout sur le module ANB, également appelé Analyst’s Notebook.

Analyse graphique des données

Ce logiciel a été développé à l’origine par la société française i2 qui appartient maintenant à IBM. D’après le site de l’éditeur, il permet « de collecter, d’analyser et de visualiser rapidement les données de sources disparates ». En particulier, il peut traiter n’importe quelle donnée matérielle (lieux, modes opératoires, indices…) ou humaine (suspect, témoin). Les recoupements d’informations peuvent se faire, par exemple, sur la base d’un graphe social, d’une ligne temporelle ou d’une carte géographique.

IBM – Copies d’écran du logiciel Analyst’s Notebook

Ce logiciel apporte « une vision globale de la procédure et permet de distinguer la logique qui se dessine au travers de la commission d’un fait criminel ou délictuel », explique le colonel Didier Berger, chef du Bureau des affaires criminelles (BAC) de la gendarmerie. Près de 400 analystes sont formés à ce logiciel dont l’objectif est de mettre en évidence des incohérences d’emploi du temps d’un témoin ou d’une personne mise en cause mais aussi des contradictions entre certains témoignages et des constatations effectuées par les enquêteurs.

Un regard neuf sur la procédure

Dans le cas de l’affaire du petit Grégory, les données ne manquent pas. Les forces de l’ordre ont notamment accumulé 2000 courriers anonymes et 400 prélèvements ADN. Sans compter les nombreuses dépositions. En repassant tout ça à la moulinette logicielle, Anacrim « a relancé l’enquête sur la mort du petit Grégory en offrant un regard neuf sur la procédure car sur le fond il n’y a pas d’éléments nouveaux », a expliqué à l’AFP une source proche du dossier.  « Comme les investigations récentes de police technique et scientifique sur des dizaines de scellés n’ont pu aboutir, les gendarmes ont décidé une remise à plat du dossier et Anacrim, sous sa dernière version, a permis de démontrer de nouvelles incohérences qui avaient jusque-là échappé aux enquêteurs », a-t-elle ajouté.

Le Service central du renseignement criminel (SCRC) de la gendarmerie a ainsi pu reconstituer la chronologie des jours qui ont précédé ou suivi le crime, de façon à positionner dans l’espace et dans le temps l’ensemble des protagonistes ainsi que certains éléments considérés comme intéressants. Après ce minutieux travail de relecture et d’analyse, trois membres de la famille Villemin ont été finalement placés en garde à vue, interrogés et mis face à leurs contradictions.

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Gilbert Kallenborn avec AFP