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Comme un goût de lendemain de libations

L’année 2001 est triste comme un lendemain d’ivresse. Après l’euphorie de l’année 2000, où tout paraissait possible, les vapeurs d’alcool se dissipent et la réalité reprend sans ménagement ses droits.

Il y a un an, le monde baignait dans une douce griserie. Les opérateurs dépensaient des fortunes colossales pour acquérir des licences UMTS en Grande-Bretagne. Un mois plus tard, tous les records étaient battus en Allemagne. Dans la foulée, les équipementiers, Alcatel, Cisco, Lucent, etc., se frottaient les mains, se disant qu’après avoir autant investi, les opérateurs n’allaient pas manquer de leur passer des commandes pour déployer rapidement des réseaux et ouvrir de nouveaux services, afin de rentrer au plus vite dans leurs frais.Et puis, dès la fin de l’été 2000, l’économie américaine s’est dégrisée. Les banques ont constaté que les opérateurs étaient endettés jusqu’au cou et n’ont guère été convaincus par leurs plans de désendettement. Les vedettes d’hier, comme British Telecom ou Deutsche Telekom, se sont retrouvées en bien fâcheuse posture.Alourdi par une dette de 61 milliards d’euros et des frais financiers afférents de 2,5 milliards, France Télécom perdait près de 7 % de sa valeur mercredi soir, avant même l’annonce de ses résultats ?” très bons, au demeurant ?” hier matin.La situation chez les équipementiers est encore pire. Lucent, le premier, a annoncé, dès la rentrée 2000, de mauvais résultats. Puis il a affiché des pertes début 2001. Conséquence : plus de 10 000 licenciements prévus. Dans un premier temps, la panique ne s’est pas installée : Lucent payait des erreurs de stratégie.L’affaire a pris un tour carrément sinistre lorsque les autres ont suivi. Nortel a annoncé à son tour des licenciements, ainsi que Motorola. Ericsson prévient aujourd’hui que ses prochains résultats ne seront pas fameux, plombés par les mobiles. Alcatel applique le chômage technique dans certaines usines de fabrication de téléphones portables. Seul Nokia reste optimiste.Cependant, l’événement le plus symbolique reste à mes yeux l’annonce de 5 000 à 8 000 licenciements et incitations au départ, volontaire ou non, chez Cisco, le symbole même de la prospérité. Le groupe américain ne fait pas dans la dentelle et avant même que les chiffres passent au rouge, il annonce des coupes claires dans les effectifs, histoire de rassurer la communauté financière.
La griserie est aujourdhui complètement dissipée et le réveil douloureux !Prochaine chronique le 6 avril 2001

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Jean-Pierre Soulès