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Clavier Logitech K750, symbole de l’obsolescence programmée (et vrai désastre écologique)

Sur le papier, il était le parangon du clavier écologique avec ses panneaux solaires et sa batterie rechargeable. Dans les faits, c’est un appareil qui a été programmé pour finir à la poubelle après quatre ou cinq ans d’utilisation. Une honte pour la marque suisse.

J’ai acheté le clavier en illustration de cet article en 2012 ou 2013. Je cherchais à l’époque un modèle sans-fil et de type « chiclet », soit avec des touches bien séparées comme sur les PC portables. Le hic du sans-fil, c’est que les claviers à cette époque étaient basés sur les piles LR03 qu’il fallait recharger de manière régulière – et je suis fainéant. Aussi qu’elle ne fut pas surprise de découvrir le Logitech K750, un modèle non seulement sans-fil mais surtout propulsé par l’énergie solaire : quoi de plus écologique que l’énergie infinie (à l’échelle d’une vie humaine) de la grosse boule de feu qui se pointe tous les matins dans le ciel ?

L’appareil était un peu cher – 80 euros dans mon souvenir, et il s’affiche même désormais à 99,99 euros sur le site de Logitech – mais il s’est avéré un excellent compagnon de frappe… jusqu’au mois dernier ! Après quatre ou cinq années de bons et loyaux services, il me fallait systématiquement le laisser toute la journée au soleil pour l’utiliser quelques heures le soir. Jusqu’au jour où il a simplement cessé de fonctionner. La raison semblait claire : la batterie intégrée que l’on insère juste après avoir déballé l’appareil venait de mourir pour de bon. Rien de grave… en apparence.

Premier réflexe : vérifier le type de pile, regarder comment on l’extrait de l’appareil, commander une nouvelle batterie et aller recycler l’ancienne dans le magasin de bricolage en bas de chez moi. Sur le papier tout est simple. Direction donc le site web de Logitech et sa section support, une section qui commence à éveiller un premier soupçon : dans la description du produit, on peut lire une mention qui paraît ahurissante « REMARQUE : la batterie n’est pas remplaçable ».

Quoi ? Il doit s’agir d’une erreur. Cela paraît d’autant plus ridicule que, et c’est à tout à l’honneur de Logitech, on peut même se procurer des patins en caoutchouc de remplacement pour le dit clavier. Si la marque propose des patins à 2€, elle doit pouvoir mettre à disposition une pile bouton rechargeable, non ? Quand on est journaliste high-tech et qu’on veut faire les choses proprement, on ne commence pas son enquête par le service de presse, toujours agréable et arrangeant vis-à-vis de la profession mais on passe d’abord par le support classique, celui que tout le monde utilise.

Premier drame : alors que je contacte ce service le 8 septembre 2017, je ne reçois la première réponse à ma demande que le 17 octobre suivant. Ils doivent être sacrément sous l’eau au support de Logitech pour mettre 5 semaines à répondre à un consommateur lambda ! Pas connu pour ma patience, je n’ai pas attendu pour chercher une solution. Pour rappel : il s’agit du clavier de mon PC personnel et j’en ai besoin. J’utilise donc la toute-puissance du Web et d’un moteur de recherche pour trouver la référence de la batterie et la procédure de remplacement.

Et là c’est la seconde douche froide.

La première référence qui remonte dans les résultats de recherche c’est bien évidemment iFixit, LE site de référence pour réparer les produits high-tech. Un site/forum où une horde d’acheteurs de K750 dégoûtés confirment ma première impression quand j’avais jeté un coup d’œil à la trappe d’insertion de la batterie. Elle n’a pas été conçue pour être retirée. Stupéfiant ! Les utilisateurs d’iFixit échangent les astuces non pas pour ouvrir correctement la trappe, mais pour l’abîmer le moins possible.

Opération malaisée, mais pas impossible. J’entame un peu le plastique de mon clavier à coup de spatule et de tournevis plat pour parvenir à extraire la précieuse batterie. Une batterie insérée il y a plus de 4 ans et qui portait sur elle un autocollant auquel j’aurais dû faire attention à l’époque : « Do not replace battery » (ne remplacez pas la batterie).

Je fais sauter l’autocollant, la référence devient lisible : une Maxwell ML2032 3V rechargeable. Difficile à trouver ? Le web me dit que non et me précipite – pub gratuite – vers all-batteries.fr, un site spécialisé dans les accumulateurs en tous genres. Un modèle coûteux que le ML2032 ? Que nenni : 6 euros hors frais de ports, qui deviennent gratuits à partir de 9,90 € – je commande donc deux batteries, pour le futur. Oui M. Logitech, le futur, vous connaissez ? Mon clavier fonctionne bien après quatre années d’utilisation intensives, pourquoi le jeter ?

Les batteries arrivent rapidement et vient le déballage, tout aussi rapide. Les piles ? Parfaitement conformes. Le sens de montage ? Super facile, il suffit de regarder comment était placé la première – en même temps il n’y a que deux possibilités noteront les plus taquins d’entre vous. Faut-il charger le clavier à fond avant de l’utiliser ? Peut-être pas, mais dans le doute j’insère la pile un matin avant de partir travailler et ne le teste que le soir.

Le résultat ? Mon clavier fonctionne parfaitement. Au grand dam de Logitech sans doute, qui aurait bien aimé m’en fourguer un autre, me forçant ainsi à contribuer à l’essor sans limite de la masse des déchets électroniques. Des déchets dont une grosse partie est recyclée à l’arrache et sans protection par les populations les plus pauvres de certains pays d’Afrique ou du sous-continent indien – il existe quantité d’excellents reportages photo et vidéo qui témoignent de ce désastre.

Mon clavier est fonctionnel depuis plus d’un mois – il marche très bien, merci de vous en inquiéter – quand le support de Logitech me répond (je me suis juré d’attendre leur retour avant d’écrire). Un contact très sympathique m’explique dans un premier temps qu’il ne peut rien faire pour moi puisque mon clavier est hors garantie. Je corrige le tir en précisant que je sais bien que mon clavier n’est plus couvert par une quelconque garantie et que je veux juste changer la batterie. Réponse rapide cette fois-ci : la batterie du K750 est officiellement non remplaçable et mon interlocuteur ferme mon ticket de support sans autre forme de procès.

Le bilan de l’histoire ? Il y en a deux. Primo, vous pouvez tout à fait remplacer la batterie de votre clavier K750, si vous acceptez d’y passer du temps et si vous n’écoutez pas les conseils de Logitech.

Deuxio, si vous cherchiez un bon exemple d’obsolescence programmée pour expliquer ce travers à vos amis ou votre famille, le Logitech K750 est un pur cas d’école. Un cas qui permet à Logitech, « respectable » entreprise suisse de récolter non pas un carton rouge, mais carrément un carton noir de la conscience écologique. Ou une palme d’or de l’incitation au consumérisme et à la pollution de la planète, selon votre façon de voir le monde.

Edit du 02/10/2017: Découvrez la suite du feuilleton avec le retour de Logitech dans notre article : “Obsolescence programmée : Logitech reconnaît ses erreurs et s’engage

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