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CISCO À L’HEURE DES COMPTES

Entreprise emblématique de l’ère Internet, Cisco se retrouve aujourd’hui en première ligne face au retournement de la conjoncture américaine. Après quinze années d’euphorie, le défi à relever est sans doute le plus délicat de son histoire.

Plus dure sera la chute ? Fini le temps, il y a à peine un an, où la capitalisation boursière de Cisco Systems tutoyait celle de General Electric ou de Microsoft. Fini également l’époque où John Chambers, le p.-d.g. de Cisco, avait simultanément rang de chef d’État et de gouverneur de banque centrale. Véritable star de la nouvelle économie, la firme, numéro un mondial des routeurs, est subitement tombée de son piédestal au cours de ces dernières semaines.

Plus question de faire la pluie ou le beau temps

Emporté par la chute du Nasdaq, Cisco est ?” avec Lucent Technologies et, dans une moindre mesure, Nortel Networks ?” la principale victime de poids du retournement des valeurs technologiques. Résultat : l’entreprise s’apprête à supprimer 8 500 emplois, soit 15 % de son effectif, et anticipe un recul de 30 % de son chiffre d’affaires durant le trimestre en cours. Du jamais vu depuis sa création en 1984 !Et, comme un malheur n’arrive jamais seul, c’est tout ce qui faisait le succès de Cisco hier qui se retourne aujourd’hui contre lui. Avec un cours de Bourse divisé par cinq en un an, plus question de faire la pluie et le beau temps en matière d’acquisitions (la boulimie de rachats de Cisco était, la plupart du temps, financée par échanges d’actions). Désormais au creux de la vague, la firme offre un visage inédit avec ses invendus et ses clients défaillants qui lui font même concurrence avec… ses propres produits.Parmi les effets du ralentissement de l’économie américaine, les coupes claires dans les budgets informatiques des entreprises, y compris celles issues de l’économie traditionnelle, ont, évidemment, un impact non négligeable. Autre phénomène d’envergure : les faillites d’opérateurs et d’ISP nord-américains, auxquels Cisco avait consenti près de 500 millions de dollars de crédit fournisseur (sans compter quelque 2,4 milliards de dollars de financements divers). De quoi apporter de l’eau au moulin de ceux qui prétendent, de longue date, que “Cisco est d’abord une banque “, même si cette dimension touche de nombreux constructeurs américains (Lucent, Motorola, Nortel et Qualcomm).Parmi les conséquences inattendues de ces différents revers, le développement d’une offre parallèle de routeurs Cisco : à la suite de la disparition de certains de ses clients, on peut trouver, sur le marché gris, les mêmes équipements à 10 ou 20 % du prix catalogue ! Pas de quoi mettre du baume au c?”ur aux actionnaires… Surtout sur un marché en repli, pour ce qui est des entreprises, et alors que Cisco se fait régulièrement grignoter par Juniper, son principal concurrent dans les réseaux d’opérateurs.

Un retour rapide aux avant-postes, peu probable

Autre motif d’inquiétude, le ” tour de vis ” social auquel Cisco se prépare (et auquel il devrait consacrer entre 300 et 400 millions de dollars) intervient dans un contexte où la firme sous-traite l’ensemble de sa production. On imagine l’ampleur des dégâts si, à l’instar d’Ericsson, Lucent, Motorola ou Nortel, Cisco possédait ses propres sites industriels. Difficile, dès lors, d’envisager un rapide retour aux avant-postes. L’impérialisme de Cisco, autrement dit l’assurance inébranlable de ses commerciaux et sa propension à se diversifier tous azimuts, a sans doute vécu. Sans parler de la concurrence, auparavant considérée comme quantité négligeable, prête à saisir la balle au bond…

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Henri Bessières