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Chronique : Les télécoms après l’UMTS

En résumé : la réussite du GSM a bouleversé l’économie des télécoms. Nul besoin de gager le futur des mobiles sur l’UMTS.

Il y a dix-huit mois, le consensus était à l’avènement rapide du multimédia mobile, au déploiement accéléré de réseaux UMTS et à l’explosion des services nomades. Par l’un de ces raccourcis dont seuls sont capables ceux qui confondent innovation technologique et produit utile, l’UMTS a été présenté comme l’alternative européenne à l’internet fixe, comme le vecteur du rattrapage européen, comme la porte, spécifique à l’Europe, d’accès à la nouvelle économie.Et tout s’est passé comme si la prédiction devait se réaliser sans risques ni délais. Les équipementiers ont très sensiblement accru leurs capacités de production. Les exploitants se sont lancés dans une course à la consolidation au niveau européen. Les analystes en ont déduit des “Arpu”
(*) qui justifiaient chaque jour davantage les valorisations stratosphériques des opérateurs mobiles. Les Etats, séduits par les immenses gisements fiscaux qui s’offraient, ont, à leur tour, entretenu le mouvement.Aujourd’hui, les équipementiers télécoms, à une exception près ?” Nokia ?”, se battent pour leur survie, les opérateurs alternatifs ont déjà disparu, et les opérateurs historiques ploient sous la dette, opèrent des révisions déchirantes et butent sur l’impossible équation de la rentabilisation des licences UMTS et de la digestion des acquisitions.Les marchés financiers, après avoir adoré les valeurs télécoms, les massacrent allègrement. Quant aux Etats, ils doivent aujourd’hui gérer la perte patrimoniale, la perte de ressources fiscales et les destructions d’emplois. Et, dans ce paysage désolé, Vodafone annonce qu’il diffère le déploiement des réseaux et l’offre de nouveaux services, tandis que France Télécom avoue n’avoir jamais encore testé un terminal UMTS, alors que, il y a peu, il annonçait une mise en service pour la mi-2002. NTT DoCoMo ?” le plus avancé dans la mise en ?”uvre des services 3G ?” vient d’annoncer que l’UMTS n’offrait pas les débits suffisants pour un véritable multimédia mobile.Que reste-t-il à espérer pour l’avenir ? En matière d’innovation, on sait que l’on a tendance, à la fois, à exagérer les bénéfices immédiats et à sous-estimer les effets de long terme. Dans une économie financiarisée, on sait aussi que les marchés amplifient considérablement les tendances. Enfin, dans un secteur s’ouvrant à la concurrence, on connaît la capacité de résistance des opérateurs historiques. Que restera-t-il alors du boom et du krach de l’UMTS ?1 ?” La réussite exceptionnelle de la téléphonie mobile et, surtout, du GSM a bouleversé l’économie des télécoms : diffusion planétaire rapide, taux de pénétration en accélération constante, développement d’usages industriels pour la télécommunication mobile. On peut parler de révolution des mobiles, car les usages en matière de communication, tant professionnels que personnels, ont été réellement bouleversés.2 ?” Nul besoin, dans un tel contexte, de gager le futur des télécommunications mobiles sur l’UMTS ou le multimédia mobile. D’autant que, dans un premier temps, les débits offerts seront insuffisants pour des usages distractifs de qualité. Le haut débit en mobilité réduite ?” au sein d’un complexe commercial, aéroportuaire ou de bureaux ?” ou le moyen débit en mobilité étendue constitue en soi un important marché.3 ?” La multiplication de projets d’équipement en réseaux fixes et mobiles nous menaçait de surinvestissement. La surcapacité qu’on allait créer, même sous des conditions très optimistes de consommation de nouveaux services distractifs, informatifs et professionnels, a pu être évaluée à un facteur 9 par rapport aux besoins.4 ?” Les entreprises européennes sortiront durablement affaiblies de la fureur spéculative de l’UMTS : bilans fragilisés, R&D comprimée, dette explosive, salariés démotivés. Pour des entreprises comme France Télécom, l’avenir se joue sur la capacité à maintenir la rentabilité des réseaux fixes tout en gérant la montée en puissance des revenus des mobiles.Au total, la croissance des télécoms ne sera pas arrêtée, car cette activité reste le vecteur majeur de l’économie de la connaissance. Lindustrie financière aura simplement brisé provisoirement son élan.(*) Revenu moyen par utilisateur.

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Par Elie Cohen, économiste et directeur de recherche au CNRS