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Chris Sontag (SCO) : ‘ IBM nous a menacés bien avant d’aller en justice ‘

Venu à Paris pour lancer le programme de licences que SCO souhaite imposer aux utilisateurs de Linux, Chris Sontag explique les raisons de cette démarche.

01 Informatique : Comment, et dans quel but, en êtes-vous arrivés à constituer une division ?” SCO Source ?” en charge de la gestion et de la valorisation de la propriété intellectuelle
de SCO sur Unix ?
Chris Sontag : A l’origine, il s’agissait de définir la façon dont nous pouvions tirer parti de notre propriété intellectuelle pour améliorer Linux, que nous vendions également. A cette époque, en 2002, plusieurs
clients nous ont fait savoir qu’ils auraient aimé utiliser les bibliothèques d’exécution d’Open Server avec Linux, de façon à pouvoir continuer à exploiter leurs applications. Mais la licence d’Open Server n’autorisant pas cela, nous avons imaginé
une licence bon marché juste pour ces bibliothèques, dans une optique de coopération fructueuse entre SCO et ses clients. C’est ainsi que nous avons créé SCO Source.Quelle est la genèse de votre différend avec IBM ?En novembre 2002, alors que nous nous apprêtions à faire cette annonce, nous avons averti nos partenaires, y compris IBM. Leur réaction a été très surprenante : ils nous interdisaient de parler de propriété intellectuelle
concernant Linux, sous prétexte que l’on allait ralentir sa progression, voire l’arrêter. Nous avons insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un complément à Linux. Mais rien n’y a fait : ils ont exigé que nous repoussions l’annonce à
2003.Dans les faits, c’est donc IBM qui vous a poussés à vous engager dans cette voie…Je ne dirais pas cela, mais il est certain que leur attitude a fortement contribué à soulever le problème. Nous avons commencé à examiner les contributions d’IBM, à savoir JFS (Journaling File System), Numa
(Non Uniform Memory Access) de leur division Sequent et RCU (Read, Copy and Update). Ce sont ce que l’on appelle des travaux dérivés, basés sur le code Unix System V. Sans ce code, aucune de ces technologies
n’aurait existé.Quelle est la nature des contrefaçons que vous dénoncez ?Les identifier représente un travail énorme : un champ immense, des dizaines de bottes de foin et des milliers d’aiguilles. Les lois sur le droit d’auteur prévoient différents cas : la copie directe, mais aussi les copies
déguisées, ainsi que les travaux dérivés. Les contributions d’IBM sont clairement des travaux dérivés de la base du code System V. Il s’agit de la plus grande part des contrefaçons et pourrait représenter des millions de lignes de code.Pourquoi avoir fait tant de mystère au sujet de vos preuves des contrefaçons ?Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, à partir du moment où une action légale est engagée, les juristes n’apprécient pas beaucoup que le procès soit jugé à l’extérieur du tribunal. C’est pourquoi il nous était difficile de tout
montrer publiquement. En outre, le code source d’Unix System V n’est pas en accès libre, sans un accord de confidentialité. Nous sommes responsables de cela vis-à-vis de nos clients détenteurs de licences.Ayant distribué Linux, vous connaissiez les implications de la licence GPL. Pourquoi la critiquer à présent ?La licence GPL s’avère suffisamment vague pour être interprétée de différentes manières. En général, les lois et les contrats évoluent sous l’action de la jurisprudence, et deviennent plus précis et plus clairs au fil du temps. Cela
n’a pas été le cas pour la licence GPL, qui n’a jamais été au centre d’un litige majeur en justice. Du coup, elle ne se distingue pas par sa clarté : certains pensent, par exemple, que bâtir une application sur Linux à l’intérieur d’une
entreprise implique de reverser l’ensemble à la communauté ; d’autres objectent qu’il faut avoir modifié le noyau pour cela. Ces problèmes posés par la licence GPL sont devenus plus évidents avec le temps, à mesure que l’utilisation de Linux se
répand.Pourquoi n’avoir pas tenté de régler l’affaire avec les responsables du noyau Linux ?Cela ne réglerait pas le problème, en l’occurrence le préjudice subi par SCO. Ces produits représentent un investissement important et des années de travail dont nous sommes légalement propriétaires. Regardez le temps et l’énergie
qu’il a fallu à Linux pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Le préjudice est énorme.De plus en plus, Linux est adopté de par le monde par de nombreuses entreprises et administrations. Ne pensez-vous pas que votre démarche va quelque peu à contre-courant ?Oui, c’est une situation difficile pour la petite société qui clame ses droits en face de cette énorme vague. Nous ne nous y sommes pas engagés légèrement. Mais, par exemple, des membres de la communauté Linux nous ont fait savoir
qu’ils comprenaient nos revendications, et qu’ils reconnaissaient devoir balayer devant leur porte. Bien sûr, un grand nombre d’utilisateurs ont misé honnêtement sur Linux, pour de nombreuses raisons. Mais nous ne sommes pas à l’origine de ces
problèmes, et nous étions tenus de réagir.

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Philippe Davy