Choc des cultures, 10 souvenirs incroyables d'un Français qui a dirigé le coréen LG en France

La rencontre entre le coq gaulois et le pays des matins calmes ne pouvait être que détonnante. Un véritable choc culturel ! C’est bien ce qu’a subi Eric Surdej lors de son premier jour chez LG en 2003 où il a vu un cadre se prendre un dictionnaire dans la tête par son supérieur courroucé. Violence des rapports sociaux, hiérarchisation extrême, dévouement jusqu’au burnout d’un personnel encouragé à la délation, le Français a découvert une société implacable. Et capable de broyer menu les individus au service d’un seul intérêt : la croissance de l’entreprise.

C’est cette aventure qu’il raconte dans Ils sont fous ces Coréens, édité chez Calmann-Lévy. Mais il a beau vanter les qualités de cette organisation coréenne à mi-chemin entre l’armée et le régime totalitaire, on a du mal à croire à l’efficacité à long terme d’un tel modèle. Car chez LG, on encourage pas la créativité mais l’obéissance. L’histoire nous donne d’ailleurs raison lorsque l’auteur raconte à quel point LG eut du mal à se remettre d’avoir raté, dans un premier temps, le virage du smartphone.

Eric Surdej, « Ils sont fous ces Coréens ! Dix ans chez les forcenés de l’efficacité », Calmann-Lévy, 17 euros.

Voici les dix extraits les plus mémorables du livre :

LG encourage la délation

• « Nous accueillîmes le patron à l’aéroport selon un protocole aussi méticuleux que l’agenda. Après les salutations d’usage, M. Moon lui prit sa valise, car un haut dirigeant de LG ne porte jamais lui-même ses affaires, ce serait un déshonneur. »

• « Les Coréens ont saisi une réalité qui nous paraîtra dérisoire alors qu’elle est essentielle : dans une entreprise, toute tâche peut être découpée jusqu’à un niveau de détail quasiment infinitésimal, ce qui rend chaque étape d’un processus quantifiable et mesurable, y compris le geste de base qui dure quelques secondes ; le temps de vissage d’un boulon sur une tôle, ou le nombre de secondes mises à décrocher un téléphone, par exemple. »

• « Un Coréen est toujours joignable sur son téléphone avec une rapidité étonnante. Il est toujours joignable sur son poste fixe, preuve qu’il se trouve bien à son bureau. Il décroche dès la première sonnerie, montrant sa disponibilité aux demandes d’un supérieur. »

• « Partir à la cantine au-delà de 12h10 relève de cas exceptionnels. (..) Le tout ne dure qu’une vingtaine de minutes. Il est exclusivement animé par l’échange d’informations utiles au travail : chiffres, renseignements sur les produits, consignes de la hiérarchie. Ensuite, une courte marche digestive permet aux fumeurs, et les Coréens le sont souvent ; de griller une ou deux cigarettes. Pendant le repas comme la promenade, les groupes respectent l’ordre hiérarchique, car on se mêle entre cadres de rangs différents que si un cadre supérieur vous le demande. A 12h40, tout le monde est prêt pour la reprise du travail, lequel se poursuit jusqu’à 18 heures. Heure qui ne marque pas le moment du départ, mais la seconde coupure de la journée : le dîner à la cantine. »

• « Derrière les ragots de cantine se tapit en effet un système de délation que la société encourage et utilise le cas échéant contre ses cadres ».

Calmann-Lévy

Travail six jours sur sept

• « Les Coréens retournent à leur bureau pour trois ou quatre heures. Puis ils rentrent chez eux où leur épouse leur a préparé un second dîner qu’ils prennent avant de se coucher. Tel est le rythme de travail six jours sur sept. Car, le samedi matin, bureau ; et souvent l’après-midi. Le dimanche, les cadres d’une même entreprise aiment se retrouver au golf afin de poursuivre leurs échanges sur le monde du bureau ».

• « J’appris le lendemain, à propos des jeunes que j’avais croisés, qu’il s’agissait du marathon hebdomadaire auquel les nouvelles recrues à peine sorties de l’université étaient soumises tous les jeudis pendant leurs cinq mois de stage annuel. »

• « Il était prévu que, pour le dernier jour de formation, les épouses rejoignent leur mari. Toute la journée, des formatrices devaient leur dispenser des cours de couture, de cuisine, d’éducation des enfants, leur asséner qu’elles devaient respecter leur mari et veiller au moindre aspect de la vie familiale afin de lui laisser l’esprit libre pour accomplir sa lourde tâche. »

• « Le grand patron de LG passa alors de table en table pour lancer des toasts de défi, selon une pratique coutumière qui prit ce soir-là une intensité plus forte : nous étions les chefs. Cris et serments durèrent deux bonnes heures. Comme j’étais affamé et craignais de rouler sous la table à force de boire, je grappillais discrètement les feuillages de décoration au centre de ma table. »

• « Dans le process LG, il était interdit de vendre en dessous du prix. Le moindre cordon ou accessoire était soumis au même contrôle partout dans le monde. Résultat : pour le moindre geste commercial, nous devions nous contorsionner et masquer les vrais chiffres ».

Calmann-Lévy

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Amélie Charnay