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Ch. Paul (PS) : « La loi antipiratage n’organise que la répression »

Figurant parmi les députés socialistes à la pointe de l’opposition à la loi Création et Internet, Christian Paul revient sur la saisine du Conseil constitutionnel, dernier recours pour faire capoter le texte.

C’est la toute dernière ligne droite dans le long chemin emprunté par la loi Création et Internet, aussi appelée Hadopi (1) : le Conseil constitutionnel. Il a été saisi hier, mardi, par l’opposition (PS, PC, Verts). Le député socialiste de la Nièvre Christian Paul, farouche opposant au texte, explique les raisons de cette initiative.

01net. : Qu’est-ce qui vous paraît susceptible d’être contraire à la constitution dans la loi Création et Internet ?
Christian Paul :
Dans la formulation du recours que nous avons soumis au Conseil, la saisine porte sur onze points. Il y a d’abord quelques principes de droit qui ne nous semblent pas respectés. Comme le caractère proportionné du dispositif de lutte contre le piratage. Entre la protection de la vie privée et la protection des droits d’auteur, le texte propose des mesures déséquilibrées.
Ensuite, il y a la question de la coupure de l’accès à Internet. Comme on l’a vu à travers le vote du Parlement européen, l’accès à Internet est un droit, et il permet en plus d’exercer d’autres droits et libertés essentiels : s’informer, s’exprimer, chercher un emploi…

La Hadopi elle-même, créée par cette loi, est-elle selon vous contraire à la constitution ?
Cette loi pose la question du contournement de l’autorité judiciaire. C’est très important. Avec cette saisine, nous donnons la possibilité au Conseil constitutionnel de confirmer sa jurisprudence de l’époque de la loi DADVSI (2) [loi qui créait un régime de contraventions différenciées selon les délits, parallèlement aux sanctions déjà prévues par le Code de la propriété intellectuelle, NDLR]. Dans la loi Création et Internet, tout a été bâti pour éviter une rencontre entre la justice et le citoyen.

Malgré vos critiques, cette loi compte-t-elle quelques bonnes idées ?
C’est un bloc. On la prend ou on la laisse, et nous [les socialistes, NDLR], on la laisse ! Nous avons essayé d’en atténuer les effets négatifs, pendant les débats, mais ce texte est un tout qui a été conçu autour de et pour la création de la Hadopi. Il faut bien comprendre que ce n’est pas une loi sur les droits d’auteur. Elle ne fait qu’organiser la répression et crée un outil pour cela. Si le Conseil censure la création de la Hadopi ou réduit ses compétences, c’est toute la loi qui tombe et devient inutile.

Existe-t-il dans le droit français des exemples d’autorités de ce type habilitées à prononcer des sanctions en marge des instances judiciaires ?
Il existe des autorités administratives indépendantes. Le Conseil de la concurrence, par exemple, mais il s’adresse d’abord à des personnes morales, des entreprises. L’exemple de la Cnil, lui, me semble n’avoir rien à voir. La Cnil est un organisme de protection des citoyens. Le problème de la Hadopi, c’est qu’elle est aussi un organisme de surveillance.

(1) Du nom de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, créée par le texte de loi.

(2) Loi sur le Droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information.

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Propos recueillis pas Arnaud Devillard