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Cessez de faire des photos !

Chacun a droit au respect de sa vie privée et est propriétaire de son image. Mais ce droit prend parfois des proportions telles que la moindre publication d’une photo devient un imbroglio juridique invraisemblable.

S’il vous arrive de feuilleter les pages ‘ Pratique ‘ des revues du Groupe Tests, (Micro-Hebdo, l’Ordinateur Individuel, …), vous avez certainement remarqué que nos manipulations y
sont souvent illustrées par des photos de paysages, de lieux ou de personnes… Or, sachez-le, le choix de ces lieux et de ces personnes est un véritable casse-tête, car ils ne sont pas libres de droits.Dans de nombreux cas, les personnes représentées pour illustrer les étapes d’une opération de retouche d’image, par exemple, sont les membres de la famille du journaliste qui a rédigé l’article. Et si la photo représente une maison,
c’est celle de l’auteur, et ainsi de suite.Pourquoi le journaliste agit-il ainsi ? Pour faire un petit ‘ coucou ‘ aux membres de sa famille ? Il y certainement un peu de ça, en effet (et pourquoi pas ?). Mais la vraie raison est que
l’auteur n’a généralement pas le choix des images.La loi, en termes de publication de photos, est tellement contraignante qu’un organisme de presse qui s’aventure à diffuser des images de personnes sans leur autorisation écrite s’expose à de sévères sanctions.S’il veut, par exemple, montrer des personnages anonymes, il faudra les rendre les visages flous, prendre les sujets de dos ou s’arranger pour qu’ils ne soient pas reconnaissables. Les procès en violation de droit à l’image, de plus en
plus nombreux, montrent à quel point l’image est un sujet sensible.Il y a ici, me semble-t-il, une dérive préjudiciable à notre profession de journalistes. Montrer un visage pour illustrer une manipulation technique n’est pas de nature à causer du tort à la personne, sauf si, bien entendu, elle est
présentée de façon volontairement dégradante.Comme le montre une enquête publiée dans le quotidien Libération du 25 mars 2004, ‘ dans neuf affaires sur dix, il n’y a pas de préjudice ‘. Il serait peut-être temps
que la législation s’adoucisse un peu : comment les organismes de presse peuvent-ils continuer à faire leur travail s’il leur est interdit de publier la moindre photo ?Vous pensez peut-être que la rue, les endroits publics et les monuments appartiennent à tout le monde et que, si vous les photographiez vous-même, la publication de ces photos est libre de droits ? Détrompez-vous, elle est
strictement contrôlée, comme en témoigne le très officiel ouvrage Photographier dans les lieux publics, édité par la Documentation française.En le feuilletant, vous apprendrez que la publication d’une photo de monument doit faire l’objet d’une demande écrite au maire, au conservateur ou au fonctionnaire concerné, même si cette publication est distribuée gratuitement. Ce
n’est donc pas qu’une affaire de gros sous.Dans l’ouvrage précité, on lit même, page 25, que pour photographier les cimetières ‘ l’autorisation écrite des personnes doit toujours être demandée ‘. Si vous avez des dons pour
communiquer avec l’au-delà, c’est le moment de les mettre en pratique !Que la publication de photos de billets de banque soit prohibée, on peut le comprendre. Mais pourquoi est-il interdit de montrer des images de la Banque de France, prises de l’intérieur, voire de la voie publique, alors que des
centaines de badauds passent quotidiennement devant cet honorable établissement ?Le droit à l’image, totalement marginal il y a quelques décennies, a suivi un mouvement de balancier propre à notre esprit français et nous sommes passés d’un extrême à l’autre. Nos journaux, en 2010, seront-ils donc sans images ?* Rédacteur en chef adjoint de l’Ordinateur IndividuelProchaine chronique vendredi 4 novembre

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Etienne Oehmichen*