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Ces super emprunts qui inquiètent les marchés

La vague d’émissions obligataires à venir, dans le sillage de celle de France Telecom, inquiète les professionnels. L’abondance de l’offre pourra-t-elle être absorbée ?

E n lançant son énorme emprunt multidevises, pour un montant global de 16,4 milliards de dollars (17,6 milliards d’euros), France Telecom a troublé l’ensemble des marchés obligataires. ” Une opération historique qui représente quatre fois l’endettement mensuel du Trésor public, pourtant réputé pour son accoutumance à l’endettement , ironise le responsable obligataire d’une grande banque française.L’opérateur français n’avait plus vraiment le choix. Après l’échec de l’introduction en Bourse de sa filiale de téléphonie mobile Orange, restructurer sa dette en émettant des obligations était devenu une nécessité. Même si cette opération s’effectuera à un taux d’emprunt élevé, établi à 7,5 %, en raison de la dégradation de sa note par les grandes agences internationales comme Moody’s ou Standar & Poor’s.Face à la déprime des marchés boursiers, les grandes entreprises européennes se replient en effet sur les marchés obligataires. Les augmentations de capital ne permettent plus de financer des projets colossaux comme ceux de France Telecom, British Telecom, Deutsche Telekom ou encore NTT Docomo.Parallèlement, les fonds de pensions sont avides de placements rémunérateurs ?” autour de 7 % l’an ?” moins risqués que les actions. Nous vivons le temps des “jumbos”, émissions jamais égalées ces dernières années “, constate, non sans inquiétude, Patrick Barde, responsable de la gestion européenne des obligations à BNP-Paribas. D’ailleurs, la création de la zone euro facilite ce mouvement puisque, désormais, il est possible d’émettre le même type d’emprunts sur toutes les places européennes.Mais cette nouvelle donne n’est pas sans risque, pour les émetteurs comme pour les investisseurs. Du côté des émetteurs, l’abondance de l’offre pèse sur les conditions d’émission. À tel point que France Telecom s’est engagé à réévaluer la rémunération de son emprunt en cas de nouvelle dégradation de sa note !Côté investisseurs, l’émission d’emprunts plus compétitifs a pour effet mécanique de dégrader les anciens emprunts détenus en portefeuille. Tel fut le cas, la semaine dernière, des OAT (Obligations assimilables du Trésor). Délaissées au profit de France Telecom, elles ont vu leurs cours être malmenés.Autre inquiétude : la trop forte concentration dans les télécoms des nouveaux émetteurs. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder le calendrier européen des prochaines émissions. À l’exception de Daimler-Chrysler et du producteur allemand d’électricité RWE, on évoque principalement Deutsche Telekom, Telecom Italia ou le Néerlandais KPN. Il n’est pas sûr que ces prochaines émissions se passent aussi bien que celle de France Telecom. Car les gérants de fonds doivent mutualiser les risques et cherchent à éviter de tout miser sur le même secteur , note Patrick Barde. Même dans le cas de surenchères, il serait surprenant qu’ils placent une part trop importante de leurs actifs sur le seul secteur des télécoms.

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Jean-Pierre Savalle