Passer au contenu

Bluetooth : un standard immature

À force de tout vouloir interconnecter, la technologie Bluetooth s’enlise dans les sables de la normalisation.

Non contente de jouer les réducteurs de câbles, la technologie Bluetooth ambitionne aujourd’hui de prendre la place d’Ethernet au sein du réseau local. Une telle prétention passe évidemment par une refonte des spécifications d’origine.Cette mise à jour précipitée explique en partie pourquoi les produits Bluetooth se font encore attendre. Alors que les modules de la génération Bluetooth 1. 0 peinent à sortir d’usine, le discours marketing anticipe déjà une version Bluetooth 2. 0, dotée d’une bande passante plus généreuse et d’une portée plus longue. Forts de ce surcro”t de capacité, les géniteurs de Bluetooth espèrent accéder à la cour des technologies d’interconnexion de réseaux d’entreprise.

Une surenchère de spécifications

Les recommandations Bluetooth 1. 0 ont vu le jour mi-1999, soit un an après la création d’un lobby de vendeurs mené par Ericsson, sous l’étendard SIG (Special Interest Group). Les principes de simplicité et d’universalité ont inspiré ce prophète qui nourrit depuis 1994 l’ambition de greffer un module radio au sein de chaque entité communicante. Armés de ce passeport, PC, périphériques, assistants personnels, téléphones mobiles sont invités à communiquer directement entre eux, par le biais d’ondes hertziennes de courte distance dans la bande de fréquence des 2,4 GHz.Cette facilité d’interconnexion s’assortit de quelques restrictions, à commencer par un champ de communication bridé à huit unités. Outre cette démarcation qui vaut à l’architecture Bluetooth l’appellation de picoréseau, le débit nominal est limité à 1 Mbit/s et la portée de transmission entre deux entités reste inférieure à 10 mètres (100 mètres avec un amplificateur additionnel). Sans surprise, la mise en pratique des recommandations Bluetooth 1. 0 a révélé un lot de bugs qui appelait des corrections urgentes effectuées par la version 1. 0b.Ce premier raté a évidemment ralenti la sortie d’usine des puces Bluetooth, tout comme l’annonce d’une nouvelle mouture 1. 1 pour le mois de septembre 2000 afin d’étoffer le protocole d’origine. Parmi ces enrichissements, il faut noter principalement la gestion d’un service d’impression qui met fin à l’usage de pilotes propriétaires jusqu’à présent indispensables. Avec un temps de retard prévisible, le SIG Bluetooth a finalement ratifié la version 1. 1 en décembre dernier. Mais il faut compter encore quelques mois pour une migration généralisée.

Bluetooth 2. 0 lorgne le marché LAN Ethernet

Mais, bien avant que la mouture 1. 1 soit approuvée, le lobby Bluetooth mijotait de nouvelles spécifications afin d’étendre son marché du simple picoréseau au réseau local d’entreprise. Cette velléité repose essentiellement sur une extension du débit à 10 Mbit/s. Avec ce calibre, les promoteurs de Bluetooth se sentent mieux armés pour affronter les produits de transmission sans fil Ethernet 802. 11b opérant à 11 Mbit/s. Outre cette montée en débit, la version 2. 0 de Bluetooth promet d’intégrer un mécanisme de handover afin d’autoriser le passage d’un picoréseau à un autre.De plus, elle supportera en théorie un plus grand nombre de picoréseaux ainsi qu’une portée de transmission supérieure, et cela à un prix de revient moindre. Il s’agit, là encore, de promesses. Car les spécifications 2. 0 ont peu de chance d’émerger avant le second semestre 2001. Sans attendre cette échéance, les vendeurs de solutions 802. 11 protestent contre cette incursion sur leurs plates-bandes, arguant un risque d’interférences insoluble. Pour sa part, le lobby SIG jure que Bluetooth 2. 0 cohabitera sans encombre avec ce prédécesseur, grâce à son mode de transmission par saut de fréquences. Sa capacité à emprunter une des 79 fréquences du spectre l’immunise contre d’éventuels bruits contigus.Mais sur le créneau de la transmission radio large bande, Bluetooth doit composer avec d’autres colocataires, à commencer par la technologie infrarouge IrDA (Infrared Data Association) qui compte perdurer grâce à une prochaine montée en débit à 16 Mbit/s. Un autre standard de transmission sans fil, HomeRF opérant à 2 Mbit/s, constitue une sérieuse alternative à Bluetooth, en tout cas sur le marché domotique. Pour ne pas déroger à la règle, les promoteurs de cette dernière technologie ont également une version haut débit à 10 Mbit/s dans leur carton. Mais cette aspiration laisse perplexe les 2 000 vendeurs du lobby Bluetooth qui se voient, d’ici à cinq ans, régner sur un domaine radio abandonné par un standard 802. 11 trop cher et une norme HomeRF trop résidentielle.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


HAFID MAHMOUDI