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Benjamin Lancar (UMP) : « L’Hadopi est la moins mauvaise solution »

Chargé de la nouvelle économie à l’UMP, le conseiller régional d’Ile-de-France nous donne la position de son parti sur la protection du droit d’auteur. Ce message sera-t-il repris par le candidat président ?

Le candidat Sarkozy n’a pas encore officiellement dévoilé son programme numérique. En revanche, le président Nicolas Sarkozy et le Gouvernement ont mis en place une politique qui laisse une place centrale à l’Hadopi qu’ils souhaitent faire passer au niveau 3 pour intégrer désormais le streaming. Pour évoquer cette stratégie, nous avons rencontré Benjamin Lancar qui, avec Laure de la Raudière, est chargé de la nouvelle économie à l’UMP. Précisant bien qu’il ne s’agit pas du programme du candidat président, Benjamin Lancar nous fait part de la position de l’UMP et des axes pris par le Gouvernement dont le ministre chargé du dossier est Eric Besson.

Quelle est la position de l’UMP sur l’Hadopi ?
Bien sûr, tout n’a pas été parfait dans la manière dont l’Hadopi a été créée, mais aujourd’hui, elle reste la moins mauvaise solution. Nous ne sommes pas des idéologues de l’Hadopi, mais nous pensons qu’il y a aussi eu un développement de l’offre gratuite avec le succès des offres légales comme Deezer ; et une véritable prise de conscience dans le fait que le téléchargement illégal nuit à la création. En revanche, ce qui s’est dit sur son aspect ultrarépressif est ultra-erroné.

N’est-ce pas plutôt ce côté répressif qui a joué plus qu’une prise de conscience ?
Grâce à l’Hadopi, le sujet du téléchargement illégal a été beaucoup traité sous un angle pédagogique. Je reste convaincu qu’une grande partie du public qui téléchargeait (via des sites illégaux, Ndlr), ignorait qu’il enfreignait la loi. L’Hadopi a ouvert le débat, ce qui a permis de se rendre compte du phénomène.

Pourquoi ne pas avoir cherché une solution légale fondée sur un modèle de partage payant. Lorsqu’on voit le chiffre d’affaires de Megauplaod, on aurait pu arriver à un accord entre les ayants droit et les internautes.
Si vous entendez par là, la licence globale imposée aux utilisateurs comme aux ayants droit, nous n’y sommes pas favorables. Ce que nous disons, c’est qu’il faut une politique équilibrée qui repose sur des offres légales. Le Gouvernement a mis beaucoup de choses en place avec, notamment la fin des DRM et la réduction de la chronologie des médias avec un délai de quatre mois pour la sortie en DVD. D’ailleurs, quant à l’aspect juridique de la licence globale, nous ne sommes pas sûrs qu’une telle loi soit validée par les juridictions internationales.

Malgré tous vos arguments, l’Hadopi ne passe pas auprès du public. N’y a-t-il pas une autre voie entre l’Hadopi et la licence globale ?
Nous sommes ouverts. Si une meilleure solution que l’Hadopi apparaît qui protège les artistes et la création, nous y serons favorables. Mais aujourd’hui, cette solution n’existe pas.

Vous évoquez la protection des créations, mais nous voyons bien avec The Artist, le téléchargement illégal n’a pas nui au succès commercial.
Concernant la fréquention des cinémas, le téléchargement illégal ne concurrence pas vraiment l’offre légale puisque le cinéma est un bien culturel en soi. Mais sur la musique, on a assisté à des baisses de ventes nettes des CD.

Cette chute n’est pas seulement du fait du téléchargement illégal. Il y a aussi le développement de l’offre légale avec iTunes, Deezer qui ont amené d’autres usages.
Peut-être, mais le piratage a non seulement conduit à une baisse claire des ventes, mais aussi du nombre de nouveaux artistes produits par les maisons de disques ; ce qui est une perte pour la culture française. Sur ce point, nous voulons faire attention. Avec l’Hadopi 3 sur laquelle le président a évoqué le streaming, nous sommes conscients des problèmes. Par exemple, pour interdire un site, il faut que l’ensemble des contenus soit illégal, ce qui est très difficile. En outre, ces sites ne sont pas fondés dans l’Union européenne. La seule solution reste donc l’offre légale.

Vous admettez donc que la solution ne peut pas être franco-française…
Vous avez entièrement raison. En 2008, le Parlement européen a voté une résolution qui affirme que le droit à l’Internet est une des libertés fondamentales, mais en 2009, il a reconnu la riposte graduée tout en disant non à la double peine (suspension de l’Internet et amende, Ndlr). S’il y a donc une résolution européenne, la France aura été précurseur. L’Hadopi a rempli sa fonction pédagogique et celle, non pas répressive, mais de transformation de l’industrie vers l’offre légale. Il faut continuer en développant l’offre de VoD (vidéo à la demande, Ndlr).

Actuellement, une autre option apparaît avec, ce qu’on appelle, la taxe Google qui ferait payer les grandes sociétés du high-tech qui réalisent des revenus, en France, depuis des sièges sociaux installés dans des paradis fiscaux comme le Luxembourg, l’Irlande ou Malte. Qu’en pensez-vous ?
Je ne peux vous répondre que pour l’UMP, pas pour le candidat. L’idée de cette taxe n’est pas dans les propositions de l’UMP, car nous la trouvons extrêmement anxiogène pour l’ensemble du secteur de l’économie numérique. En revanche si, au niveau européen, il peut y avoir une réflexion là-dessus, pour le coup, cela aurait du sens. Il y a cette formule : « Ils prennent nos autoroutes sans payer les péages ». Mais j’ai vu Google installer des centres de recherches et investir en France grâce à Nicolas Sarkozy. Cela va dans le bon sens et la France en profite… C’est donc, selon moi, une problématique qui doit être traitée au niveau européen pour ne pas être contre-productive. Si nous sommes les seuls, Google et les autres iront investir ailleurs.

Google vous a-t-il fait cette remarque ?
Non, bien sûr, mais un environnement anxiogène n’incite pas à l’investissement. Le crédit impôt recherche, qui est fiscalement très intéressant, est un élément qui, je le pense, a été décisif pour l’installation de Google en France. Mais la formation de nos ingénieurs, l’infrastructure de la France et son rayonnement s’y ajoutent aussi. Tout cela a joué. La meilleure manière d’aborder ce sujet est au niveau européen. N’oublions pas non plus qu’une part de plus en plus importante de la croissance en France vient du numérique.

Selon vous, le Web peut-il être géré pays par pays ?
Si vous évoquez une ONU du Web, je soutiens cette idée. Nous sommes pour ce qui favorise une meilleure gouvernance. Nous voyons, à travers la crise, que lorsqu’il n’y a pas de gouvernance ou de régulation, il y a des dérapages et tout le monde en paie les frais. Nous avons donc effectivement besoin d’une gouvernance mondiale du Web. Mais j’imagine que certains iront penser qu’il s’agit de mettre en place un président du Web. Il ne s’agit pas de cela. Nous disons juste que les pays ont besoin d’une instance internationale pour discuter des usages du Web. Et si un pays X pirate le contenu d’un pays Y, il y aurait un espace pour en discuter.

Ne pensez-vous pas que ce type d’instance rende obsolètes les règles nationales ?
La question se pose, d’où la nécessité d’avoir un lieu de discussion international et d’une gouvernance mondiale du Web.

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Pascal Samama