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Bartering : le troc entre entreprises s’offre une seconde vie

Par sa souplesse et son ouverture, internet donne un nouveau souffle à une activité déjà florissante hors ligne : l’échange de biens et services entre professionnels. Le troc on line devient un nouvel outil de gestion.

Bienvenue dans l’univers du bartering. Une expression qui signifie échange ou troc dans la langue de Molière. Dans le monde de l’entreprise, il s’agit de réaliser des affaires sous forme d’échanges de marchandises ou de services. Une pratique qui permet d’éviter une sortie de trésorerie ou, plus prosaïquement, de tenir des objectifs commerciaux.L’économie en réseau propose une nouvelle expression de la méthode, que des acteurs déjà en place n’ont pas manqué de développer. 6 000 entreprises font du bartering en Europe, selon l’estimation de Barterforum. Depuis 15 ans, cette société ?” anciennement TEC (Trading et Compensation) ?” joue l’intermédiaire entre les entreprises qui veulent goûter à l’échange. Avec 2 500 clients dans 11 pays européens, le groupe a géré plus de 76 millions d’euros (500 millions de francs) de transactions en 2000. Sur le même créneau, Efficio s’est lancé en Belgique il y a six ans et a ouvert une représentation en France fin 1999. En 2000, l’entreprise revendiquait 1000 entreprises clientes pour un volume d’affaires de 3,8 millions d’euros. Barterforum et Efficio sont aujourd’hui rentables, mais veulent profiter d’internet pour faire exploser le nombre d’adeptes de ce troc.Intermédiaires et utilisateurs du bartering sont volontiers prosélytes. ” L’échange marchandises prend toute sa valeur quand il devient un véritable outil de gestion. Il permet de limiter les sorties de trésorerie en achetant avec sa propre production, explique Eric T’Scharner, fondateur et PDG d’Efficio. Pour cela, il doit remplir deux conditions : l’échange doit correspondre à un vrai besoin, et il doit donner lieu à l’acquisition d’un nouveau client. ” La mise au point est importante, car la réputation du barter est parfois sulfureuse. Son principe a percé dans le secteur des médias à la fin des années 1950 et certaines dérives ont frappé les esprits. Par exemple, le règlement d’une campagne de publicité pour un voyagiste en… chèques-voyages à usage discrétionnaire, la satisfaction d’un véritable besoin de l’entreprise pouvant devenir toute théorique dans le cas d’un voyage privé.

Échange multilatéral

” Le bartering a été galvaudé “, déplore Eric T’Scharner, préférant insister sur la valeur ajoutée de la formule dès lors qu’elle sort du simple cadre bilatéral. Pour permettre à un imprimeur d’acheter des fauteuils de bureau directement au fabricant, même si celui-ci n’est pas intéressé par des travaux d’impression, l’échange marchandise doit être multilatéral. Ainsi, le choix d’Efficio et de Barterforum de faire migrer une partie de leur activité en ligne ne tient pas seulement à leur volonté d’élargir le cercle des adeptes du bartering, mais aussi au fait que l’utilisation d’internet devrait leur faciliter le métier. Plus ils recensent de propositions, plus la communauté d’entreprises répertoriée est importante, et plus chacune a de chances de trouver preneur pour ses biens ou ses services. Aspect communautaire, recherche de fournisseurs, et démarchage de nouveaux clients, autant de problématiques qui favorisent l’essor de l’approche B to B.Si Barterforum et Efficio lancent leur activité en ligne simultanément, leurs sites ne proposent pas les mêmes fonctions. Cobarter.com, le site d’Efficio, se présente davantage comme une vitrine. Le vendeur sélectionne la gamme de produits ou de services à laquelle sa production appartient et dépose une annonce en ligne. Quant à l’acheteur, il navigue parmi les produits, du mobilier de bureau à la plomberie.Une fois que sa proposition a trouvé un acquéreur, le vendeur dispose d’un crédit dans une monnaie virtuelle, le barter, qui va lui permettre de réaliser ses emplettes. ” Tout a été pensé pour faciliter l’accès à la plateforme, insiste Eric T’Scharner. Pour voir les produits proposés, il n’y a rien à débourser. ” Cobarter se rémunère par une commission de 5 % sur chaque transaction effective. Le règlement a lieu offline, car même lors d’un échange marchandises à 100 % barter, il y a émission de factures. Ce type d’échange reste assujetti à la TVA et comptabilisé dans le chiffre d’affaires. Par la souplesse de sa formule sans engagement, Cobarter mise sur une rapide montée en charge. “ L’augmentation de notre recrutement [d’acheteurs et de vendeurs, ndlr] devrait être deux fois et demi plus rapide online qu’offline “, prévoit Éric T’Scharner. Barterforum n’a pas privilégié une solution aussi ouverte. Lors de la connexion au site d’échange, l’entrepreneur est d’emblée averti qu’il entre dans un espace sécurisé.

Mi-cash, mi-barter

Cette précaution tient notamment au fait que sur Barterforum.com, une entreprise peut se voir accorder un encours de 15 000 euros maximum, lui permettant d’acheter alors même que sa proposition n’a pas encore trouvé acquéreur. Au-delà, l’accent est mis sur la négociation, car les transactions peuvent mélanger la monnaie sonnante et trébuchante et le barter. Lorsque le vendeur met une annonce en ligne, il peut fixer la part d’échange marchandises et la part de cash désirée. Cette proportion est susceptible de varier lorsqu’un processus de négociation s’enclenche avec un acheteur potentiel. ” Barterforum.com sera la première solution en ligne de ce type et permettra d’allier le bénéfice de l’échange marchandise avec l’optimisation du prix “, soulignait Pierre Sacksteder, directeur général adjoint du groupe et responsable de Barterforum.com, lors du lancement du site, le 27 mars. La société a ainsi opté pour une offre sophistiquée, qui se retrouve jusque dans sa rémunération, puisque le choix est laissé entre une commission de 4 % sur transaction ou une formule au forfait, de 60 à 150 euros par mois. Mais toutes les fonctions n’ont pas pu être mises en ligne dès la fin mars. ” Notre offre est complexe et nous avons pris quelques semaines supplémentaires pour la clarifier et limiter le risque que l’utilisateur du site ne soit déboussolé “, explique le directeur général du groupe Barterforum, Pascal Alexandre, qui annonce pour fin mai une version complète du site.Adepte du bartering depuis trois ans, le loueur de véhicules Budget Rent a Car France a utilisé tour à tour les services offline de Barterforum et d’Efficio. ” Pour l’instant, nous nous sommes contentés de la formule de l’échange bilatéral pour faire de l’achat d’espace, panneaux publicitaires sur le périphérique ou partenariats avec les fédérations sportives d’athlétisme ou de tennis de table “, explique Eric Girard, le directeur marketing. Adepte de l’échange à 100 %, il reconnaît avoir utilisé une fois la formule mixte, cash plus barter, pour une page de publicité qu’il trouvait trop chère. Avec près de 300 000 euros d’échange marchandises en 2000, la direction marketing affecte entre 10 et 50 véhicules à ce poste selon la période. Occupée par une réorganisation de son réseau commercial, la société ne pense pas se précipiter sur les nouvelles offres en ligne. ” Mais d’ici à quelques mois, nous pourrons reconsidérer la question “, s’excuserait presque Eric Girard. Pour autant, pas d’inquiétude à avoir chez Barterforum et Efficio. Lorsqu’une entreprise a goûté au troc nouvelle génération, difficile de lui faire renoncer à son utilisation. Budget continuera à passer une dizaine d’accords par an. Le lancement d’une offre en ligne et la perspective de faire découvrir ce principe à un public plus large n’en est que plus stratégique.

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Maxime Rabiller