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Avec son bouclier antipub, Free veut-il la peau de Google ?

La fonction antipub de la Freebox Revolution montre que les modèles économiques du Net sont loin d’être figés et que les fournisseurs d’accès ont un pouvoir non négligeable face aux fournisseurs de services.

Alors que le débat sur la fonction antipub de la Freebox Revolution ne cesse d’enfler, une question se pose : pourquoi Free a-t-il ajouté cette fonctionnalité diabolique ? Contacté par 01net, l’opérateur n’a pas donné de réponses. Dès lors, plusieurs hypothèses sont envisageables. La première, basique, est que l’opérateur veut simplement faire plaisir aux consommateurs. Dans la majorité des cas, ces derniers trouveront sans doute l’absence de publicités plutôt agréable et ne décocheront pas cette fonctionnalité. Honnêtement, le feriez-vous ?

Montrer les muscles face aux “géants du Web'”

Mais le bonheur des clients se ferait au détriment de tout un écosystème que Free n’a peut-être pas intérêt à se mettre à dos : les agences de pub, les sites d’information, mais aussi les nombreuses startups qui proposent des services web innovants et gratuits, en se rémunérant grâce à la publicité (modèle économique « Freemium »). Free, le pionnier du numérique, pourrait ainsi rapidement devenir le fossoyeur du numérique. Une position pas très cohérente avec la stratégie de Xavier Niel et de son fonds d’investissement Kima Ventures.

Autre hypothèse : Free veut montrer ses muscles pour faire plier Google. Cet avis est défendu par nos confrères des Echos. L’opérateur réclame de l’argent à Google pour le transit des gros volumes de données issues de ses services (tels que YouTube). C’est ce que l’on appelle le « peering payant », une pratique commerciale qui est parfaitement légale et qui a été approuvée récemment par le conseil de la concurrence.

Mais Google ne veut pas payer, car il estime que ses services apportent une valeur ajoutée aux abonnés de Free. Bref, le géant du web renverse totalement l’argumentation. La fonction antipub pourrait donc être pour Free un moyen un peu cavalier de forcer Google à revenir à la table des négociations. Interrogé par 01net, le géant du web ne laisser filtrer aucune information. « Nous avons constaté les mesures prises par Free et sommes en train d’analyser la situation », nous indique simplement un porte-parole.

Impact sur la chaîne de valeur

En tous les cas, cette histoire montre à quel point les modèles économiques sur le web sont fragiles et que la chaîne de valeur est loin d’être figée. Si tous les fournisseurs d’accès décident d’ajouter une fonction antipub par défaut, ce serait la mort assurée de Google, car ce dernier ne vit que par la pub. Free montre donc que le destin d’un opérateur n’est pas forcément d’être un simple tuyau d’acheminement et que la maîtrise de la boucle locale (ADSL, Fibre, mobile) confère au fournisseur d’accès un pouvoir spécial qui pourrait redéfinir la chaîne de valeur.

Free ne pourrait-il pas négocier avec Google une version « plus soft » de sa fonction antipub en contrepartie d’un pourcentage sur les revenus publicitaires ? Ce serait une manière d’associer les opérateurs au succès parfois indécent des fournisseurs de services. Evidemment, cela poserait à son tour la question de la Neutralité du net…

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Gilbert Kallenborn