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Aurélie Sèbe et Claude Baratay (Menway Informatique et Télécoms):” Les entreprises manquent de réactivité face à celle des candidats “

De nombreux candidats se comportent avec légereté face au recruteur. Mais les entreprises ont aussi des progrès à faire.

L’attitude des candidats dans le secteur informatique étonne les recruteurs. Fantasme, ou nouveaux comportements ? Claude Baratay : cette attitude des candidats correspond bien à une réalité. Dans le contexte du marché du travail, qui connaît actuellement une rareté des compétences, des comportements anormaux se révèlent. Se sachant courtisés, certains des candidats n’hésitent pas à tirer profit de la situation. Ils regardent de haut les démarches effectuées par les entreprises, ne se rendent pas aux rendez-vous qu’ils ont fixés avec les recruteurs, et ne s’en excusent même pas. Le phénomène est assez récent. Toutefois, il s’est vraiment accentué depuis un an.Ce phénomène vaut-il pour tous les candidats ou pour une certaine catégorie seulement ? Claude Baratay : il vaut quel que soit le niveau d’études du candidat, mais il concerne surtout les jeunes. A leur décharge, il faut reconnaître qu’ils sont présollicités. C’est-à-dire qu’ils reçoivent des propositions avant même d’arriver sur le marché du travail. Et de la part de tout type d’acteurs : les entreprises comme les cabinets de recrutement, voire de personnes agissant dans le cadre de la cooptation. N’importe quel candidat ayant objectivement un bon profil se verra donc contacté à plusieurs reprises. Au bout d’un moment, il pourra en avoir assez.Aurélie Sèbe : les jeunes candidats se servent aussi des entretiens d’embauche comme de comparatifs entre différentes sociétés. Mais ils les voient également comme un moyen de s’évaluer sur le marché, ou encore de percevoir quelles sont les nouvelles tendances du recrutement.Claude Baratay : ce qui veut dire que ces jeunes candidats manquent de professionnalisme. Ils viennent à l’entretien simplement pour voir, sans l’avoir préparé, et sans s’être renseignés sur l’entreprise. D’autres arrivent avec l’idée d’avoir une proposition et de s’en servir pour peser dans les négociations qu’ils peuvent mener avec d’autres sociétés.Aurélie Sèbe : ce type d’attitude a toujours existé. Mais, auparavant, nous ne nous engagions pas plus loin avec ce genre de candidats. Malheureusement, aujourd’hui, nous sommes obligés de continuer à discuter. Toujours à cause de ce manque de compétences.Vous mettez aussi en garde les entreprises contre leurs propres pratiques de recrutement. Pourquoi ? Aurélie Sèbe : les entreprises ont pris l’habitude de pratiquer la non-exclusivité. Elles mettent en concurrence plusieurs cabinets de recrutement et ne rémunèrent que ceux d’entre eux qui auront trouvé le bon candidat. Déjà, sur le plan déontologique, cette pratique pose un problème. Mais le plus regrettable est que, pour un même poste, plusieurs cabinets finiront, un jour ou l’autre, par aboutir au même candidat. Et, auprès de ce dernier, qui se retrouve démarché par plusieurs cabinets pour une même entreprise, il est évident que cela fera plutôt mauvais effet. Le deuxième problème est que, en termes de logistique, de délai de réponse ou de nature des propositions, les entreprises ne se sont pas adaptées à ce nouveau comportement.Les processus de recrutement mis en place par les entreprises restent-ils trop lourds ?Aurélie Sèbe : effectivement. Les entreprises ne se donnent pas encore les moyens de respecter les délais de réponse et de convocation qu’elles annoncent. Claude Baratay : ce problème est encore plus prononcé dans les grands groupes. La procédure de validation d’une offre ou d’une réponse chez ces derniers passe par un certain nombre de niveaux hiérarchiques, avant d’être encore revue par la communication. Il faut ajouter à cela l’ambiguïté qui existe entre ce que propose une annonce et la réalité qu’elle recouvre. Souvent, l’embauche d’un candidat se fait sur un malentendu. Qu’il porte sur la rémunération, sur le périmètre de responsabilité, ou sur la mission… Les sociétés de services informatiques, notamment, agissent dans une logique de court terme. Elles recrutent en fonction d’un type de besoin à un moment précis, mais qui risque de changer. La personne ainsi recrutée finira alors par remplir des tâches différentes de celles qui lui ont été présentées au départ.Les termes employés dans les annonces de recrutement ne sont-ils pas trop flous ? Claude Baratay : c’est vrai. Des appellations comme celles de ” chef de projet ” ou de ” consultant ” sont les plus galvaudées. On est toujours chef de projet de ce que l’on fait soi-même.Aurélie Sèbe : en réalité, les entreprises connaissent peu leurs points faibles. Elles ne se rendent pas compte que leur image n’est peut-être pas aussi prestigieuse qu’elles le croient. On a beaucoup parlé des candidats qui doivent apprendre à se vendre. Il serait temps que les entreprises s’y mettent aussi.

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Arnaud Devillard