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Au sein du W3C, Google et Microsoft travaillent à faire des DRM un standard du Web

Dans les coulisses du W3C, des géants de la high tech essaient d’intégrer les DRM directement dans le futur standard HTML5, mettant ainsi en péril la liberté et l’ouverture du Web.

« C’est ici le combat du jour et de la nuit », cet ultime alexandrin de Victor Hugo pourrait résumer à lui seul la situation telle que la met en lumière l’Electronic Frontier Foundation (EFF). Cette association de défense de la liberté dans un monde numérique a en effet découvert qu’un groupe de travail, au sein du W3C, l’instance de standardisation du Web, étudie la possibilité d’intégrer les DRM, les verrous numériques, au cœur des prochains standards du Web. L’EME, pour Encrypted Media Extensions, est une proposition, encore à l’état de brouillon, portée par Google, Microsoft et Netflix, qui pourrait en effet être intégrée au HTML5.

Un Web aux standards ouverts

Ce pourrait donc être une forme de mise en danger du Web ouvert et libre, tel que le W3C essayait de le défendre jusqu’à présent. L’EFF dresse alors une rappel des extensions propriétaires : Flash, Silverlight, etc. « Chaque fois que ces technologies sont devenus populaires, elles ont endommagé l’écosystème ouvert qui les entouraient », explique l’EFF. Sans même parler des limitations inhérentes à ces technologies : l’impossibilité de créer des liens facilement vers un site Web en Flash, les problèmes d’indexation, l’impossibilité d’y accéder pour les utilisateurs souffrant de handicaps, les problèmes de fonctionnement sur certains périphériques, les questions de sécurité et de respect de la vie privée des utilisateurs, etc. « Les plates-formes et les appareils qui restreignent leurs utilisateurs empêchent inévitablement les innovations importantes et nuisent à la libre compétition », conclut l’EFF sur ce point.

Retour en arrière

Pour l’association, « la proposition d’EME est porteuse de beaucoup de ces problèmes parce qu’elle abandonne la responsabilité sur les questions de compatibilité et laisse les sites Web exiger la présence d’un logiciel tierce ou même d’un matériel spécifique et même de systèmes d’exploitations précis ». Si vous ne possédez pas le bon OS, le bon périphérique ou le bon plugin, gratuit ou payant, transparent ou non sur les informations qu’il collecte, vous ne pouvez pas accéder à l’information. « C’est exactement l’opposé de la raison pour laquelle le World Wide Web Consortium existe à l’origine », commentent Peter Eckersley et Seth Schoen, les auteurs de cette alerte de l’EFF.

Le loup dans la bergerie

Au fait que les trois auteurs de la proposition EME indiquent clairement « Qu’aucun ‘DRM’ n’est ajouté à la spécification HTML5 », les deux défenseurs de l’EFF rétorquent : « C’est comme dire, ‘nous ne sommes pas des vampires, mais nous allons les inviter dans notre demeure’ ». Et de citer, un échange sur une des listes de discussion du W3C sur le sujet, où Mark Watson, le représentant de Netflix, reconnaît que l’application de DRM n’est pas très loin : « Effectivement, notre intérêt se trouve dans des cas que la plupart des gens appellerait DRM ».

Dès lors, à l’heure où le HTML5 pourrait être le langage de demain qui unirait tous les périphériques pour la consultation de contenus en ligne, les yeux se tournent vers une des sources principales de ces « produits culturels » : Hollywood. Ces propositions « sont une tentative d’apaiser Hollywood qui est mécontenté par Internet depuis presque aussi longtemps qu’existe le Web et qui a toujours demandé à ce qu’on lui fournisse des infrastructures techniques évoluées pour contrôler le fonctionnement des ordinateurs de son public », martèlent sans ménagement les deux représentants de l’EFF.

Ne pas laisser la main…

« Ce serait une terrible erreur pour la communauté du Web de laisser la porte ouverte à l’infection des standards du W3C par la gangrène culturelle anti technologique d’Hollywood », déclare l’EFF. « Cela saperait la raison même de l’existence du HTML5. […] Le HTML5 était censé être meilleur que Flash, et exclure les DRM est exactement ce qui le rendrait meilleur ».
En partenariat avec la Free Software Foundation, qui défend, entre autres, l’intérêt des logiciels libres et ouverts, l’EFF a ouvert une pétition pour que les Internautes puissent d se déclarer contre l’introduction des DRM dans le HTML. L’objectif est d’atteindre les 50 000 signataires d’ici le 3 mai 2013, date de la prochaine Journée internationale contre les DRM. Il n’est pas question ici d’être du côté des pirates ou des ayants-droits, mais simplement du côté de la liberté. « C’est ici le combat du jour et de la nuit »

Sources :
EFF

Groupe de travail du W3C

La pétition Stop DRM in HTML5

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Pierre Fontaine