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Après la tragédie américaine, trois scénarios

Le dégonflement de la ” bulle financière ” s’était déjà changé en e-krach. L’économie mondiale, affecté par l’anémie américaine, tentait d’éviter le marasme économique. La crise internationale va-t-elle transformer un effondrement boursier en véritable récession ? Hypothèses…

Les événements du 11 septembre, pour se limiter à leur strict aspect boursier, ont ajouté quelques milliards d’euros aux 2 000 milliards (*) déjà engloutis depuis le 1er janvier dans le maelström financier, rien qu’à Paris et à New York. Un chiffre qui pèse un peu plus d’une fois et demi le PIB de la France, ou quatre fois la masse totale des salaires versés annuellement dans l’Hexagone, ou encore l’équivalent des revenus mondiaux attendus de la net économie en 2003. Au-delà des formules, les pertes financières et le traumatisme humain risquent de marquer cruellement une économie ébranlée. Trois scénarios pour une reconstruction financière.

1- Le scénario pessimiste…

La tragédie relance l’hypothèse d’un scénario en ” L ” aggravé, c’est-à-dire une récession suivie d’une longue stagnation. Ce diagnostic était, avant les attentats, fondé sur la faiblesse persistante de la croissance américaine. Les dernières digues anti-récession voleraient désormais en éclat. L’effet baisse des taux, le bon moral relatif des ménages, les poches de croissance résistantes, géographiques ou sectorielles, tout cela serait brutalement effacé. La peur individuelle et collective ne faisant pas bon ménage avec la consommation, la menace d’une crise internationale achèverait de geler les investissements, de comprimer les échanges commerciaux. D’un point de vue technique, une récession franche, dans un tel climat, se traduirait par un désengagement pur et simple des acheteurs. Les ” papy-boomers ” qui financent leur retraite grâce à la Bourse, s’empresseraient de récupérer leur mise. Même à perte. On n’aurait alors d’autre perspective qu’une lancinante spirale à la baisse.

2- Le rebond à six mois

Sur les marchés, les optimistes se font presque aussi rares que les acheteurs. Malgré tout, selon ce synopsis, encore défendu par quelques gourous américains, et, en France, par de rares économistes, la tendance baissière, fondée sur une lecture pessimiste de la conjoncture américaine, se retournera comme un gant au premier signe sérieux de reprise. Au crédit de ces adeptes de la méthode Coué, certains indicateurs macro-économiques laissaient penser, avant le 11 septembre 2001, que le déstockage ?” préalable à un redémarrage de la demande ?” serait en bonne voie dans certains secteurs clés, comme les semi-conducteurs. Tous les indicateurs post-attentats seront évidemment scrutés à la loupe, les deux points clés restant l’indice américain des directeurs d’achat et celui de la confiance des consommateurs. Sur le plan technique, ces observateurs font remarquer que le lessivage boursier peut désormais laisser reposer les marchés, une fois le choc passé, sur de solides supports planchers : le Nasdaq et le Nouveau Marché avaient déjà perdu respectivement 60 et 70 % sur leurs plus hauts de l’année. Mais, au fond, c’est sur la capacité de la nation américaine à relever les défis, voire à transcender les épreuves, que misent les tenants d’une telle issue, qu’il est bien malaisé de discerner aujourd’hui.

3- Le consensuel scénario en ” U “

L’évolution de l’économie risque d’être affectée très négativement, même s’il est trop tôt pour remettre en question notre scénario qui est fondé sur l’absence de récession aux États-Unis.” L’analyse, qui figurait en tête du morning meeting de la société d’analyse Global Equities au lendemain du drame, résume assez bien les premières réactions des différents analystes. Selon les économistes de marché, la déprime financière étant venue des États-Unis, c’est de la conjoncture américaine que viendra le réveil. Certes, la courbe de ce schéma en ” U ” sera sans nul doute redessinée par les attentats et leurs conséquences. Mais, sous réserve d’informations contraires, les capacités industrielles et financières des États-Unis ne seraient pas durablement diminuées. L’Europe, la France en particulier, demeurant, en outre, un havre relatif de croissance. Après la phase de traumatisme, la nécessaire reconstruction, y compris à Wall Street, peut déclencher une incidente psychologique dynamisante. La reprise économique mondiale ne serait certes pas fulgurante, mais interviendrait après une convalescence de douze à dix-huit mois. Le rebond boursier, lui, surgirait, comme d’habitude, avec un temps d’avance, bénéficiant en premier lieu aux grandes valeurs à connotation défensive de l’univers TMT.
(* ) 2 000 milliards d’euros (soit 13 119 milliards de francs) : chutes de capitalisations additionnées, entre le 1er janvier 2001 et le 10 septembre 2001, du Nasdaq (800 milliards d’euros), du NYSE (821 milliards) et d’Euronext Paris (366 milliards), selon nos calculs.

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Jean-Michel Cedro et Jean-Pierre Savalle