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Quel avenir pour Bitcoin ?

La spectaculaire chute de Mtgox, considérée comme une des bourses de référence de Bitcoin, a conduit à s’interroger sur la viabilité des monnaies virtuelles et de leurs écosystèmes. Au point de sonner le glas des cryptomonnaies ?

MtGox était, à bien des égards, une relique. Rachetée en 2011 par le développeur français Mark Karpelès, la bourse qui vient de fermer ses portes n’a pas su évoluer pour accompagner la croissance spectaculaire du seul produit qu’elle proposait : Bitcoin. 

La chute de Gox n’est pas celle de Bitcoin

Une chose est sûre : les arguments avancés par Gox pour justifier la suspension des retraits en Bitcoin ne tiennent pas la route et ont été démontés par de nombreux experts, qu’il s’agisse de développeurs de Bitcoin ou du professeur Emin Gün Sirer, spécialiste des cryptomonnaies. Il n’existe pour l’instant aucune thèse crédible permettant d’expliquer la disparition de plus de 750 000 BTC contrôlés par MtGox, dont une grande partie était censée être stockée « hors ligne ». Le protocole n’est, dans tous les cas, aucunement mis en cause. Il appartient désormais à la justice japonaise de trancher, et plusieurs enquêtes internationales ont été diligentées afin d’étudier de possibles détournements et malversations qui auraient pu avoir lieu en interne.

Les bienfaits de la chute

Le point de vue de Jérémy Allaire, fondateur de la société Circle, fait écho à celui de nombreux acteurs majeurs de l’écosystème Bitcoin : la disparition du mauvais élève MtGox aura un effet positif pour Bitcoin. Cette industrie naissante, qui traverse une période de bouleversements propre à toutes les technologies de rupture radicale, doit sortir peu à peu de sa phase « Far West », et tous les acteurs crédibles se doivent de revoir leur copie en matière de sécurité et de transparence.

Si les marchés d’échange de Bitcoin sont pour l’instant largement dérégulés, il n’en est rien de la monnaie elle-même, réglée comme une horloge. Son code open source est totalement transparent et ne peut pas être altéré de manière arbitraire. Et son réseau de transactions est doté de mécanismes d’audit et de comptabilité sans équivalent. D’ailleurs, une expertise de la blockchain, ce gigantesque livre de comptes public recensant toutes les transactions depuis l’émission du premier Bitcoin, permettra peut-être d’élucider le mystère des Bitcoins volés de Mtgox.

Une leçon de responsabilité

La nature du Bitcoin fait qu’il élimine le besoin de recourir à un tiers de confiance, comme une banque. Ceci impose un corollaire direct : l’obligation de bien protéger son portefeuille BTC. Il existe des solutions de stockage parfaitement sûres (à froid, sur un support non connecté à Internet ou sur un paper wallet, un simple portefeuille de papier) même s’il peut sembler tentant de le stocker sur une bourse d’échange. Quitte à opter pour le stockage en ligne, la solution de Blockchain.info, qui propose un chiffrage côté client et ne stocke donc pas les clés privées sur ses serveurs, semble offrir un compromis acceptable. Une startup comme Coinffeine se propose pour sa part de résoudre le problème des bourses centralisées en créant un réseau d’échange 100 % peer-to-peer.

L’effet boule de neige

Les qualités intrinsèques de Bitcoin ont d’ailleurs inspiré de nombreuses autres monnaies électroniques. Il s’agit en partie de clones aux caractéristiques légèrement modifiées (nombre total de pièces, algorithme utilisé, vitesse de validation, etc.), à l’image de Litecoin. Et d’autres monnaies comme Gridcoin ou Curecoin, qui entendent substituer à l’algorithme de travail et de validation de Bitcoin, gourmand en énergie, des travaux « utiles », comme du pliage de protéines destiné à la recherche biomédicale. Au total, il existe ainsi une centaine d’ « altcoins » ou dérivés de Bitcoin, pour la plupart apparues en 2013.

Bitcoin, cette Terra incognita

Et pourtant, les caractéristiques les plus connues de Bitcoin – création monétaire et réseau de transactions – ne sont que les aspects les plus superficiels du protocole Bitcoin, qui possède également de nombreuses fonctions avancées qui ne demandent qu’à être exploitées.

On trouve, pêle-mêle, des fonctions destinées aux microtransactions, aux paiements récurrents, au crowdfunding (sans intermédiaire comme Kickstarter) ou encore des surcouches qui ont le potentiel de bouleverser le droit contractuel. La « blockchain » de Bitcoin pourrait en effet servir à enregistrer des transferts d’actifs physiques, quels qu’ils soient (immobilier, devises, matières premières, etc.), sécurisés grâce à la cryptographie.

Vers une nouvelle génération de crypto-services révolutionnaires

Les fonctions avancées de Bitcoin, que les développeurs tardent à implémenter et à exploiter, ont inspiré une nouvelle génération de monnaies virtuelles qui tentent de prendre leur modèle de vitesse. C’est notamment le cas de Nextcoin (NXT), Mastercoin (MSC), Counterparty (XCP) ou encore Ethereum.

Elles diffèrent de Bitcoin et des « altcoins » par le fait qu’elles sont toutes dès l’origine distribuées aux investisseurs initiaux de diverses manières, le plus souvent sous la forme d’une IPO (similaire à une introduction en bourse). Les premiers investisseurs de NXT et MSC ont d’ailleurs déjà réalisé des plus-values exceptionnelles.

Mais surtout, elles intègrent toutes déjà des fonctionnalités avancées et totalement décentralisées : bourse d’échange entre monnaies, système de pari sur des valeurs ou n’importe quel flux de données (paris sportifs, par exemple), création d’actifs ou émission d’actions (adapté aux petites structures qui ne peuvent aujourd’hui ouvrir leur capital au public étant donné les coûts astronomiques de telles opérations), crowdfunding automatisé avec réserves sans tiers de confiance, création de « contrats intelligents » avec un tout nouveau langage conçu à cet effet dans le cas d’Ethereum, etc.

Autant de rôles aujourd’hui remplis par des institutions centralisées à but lucratif comme des bourses (NASDAQ, NYSE, etc.) ou des professionnels comme les notaires et les avocats d’affaire, et qui pourraient à terme être accomplis de manière parfaitement objective, traçable et automatisée grâce ces technologies émergentes.
Dès lors, bien qu’apolitiques et décentralisées, car non soumises à une banque centrale et aux décisions d’un Etat, ces cryptomonnaies pourraient s’imposer comme de nouveaux théâtres potentiels pour la guerre sans merci qui oppose aujourd’hui les gardiens des systèmes propriétaires et des bastions ancestraux aux partisans des systèmes libres et ouverts…

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Sources :
Article de Emin Gün Sirer

Position de David Woo, de Bank of America

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Nathan Sommelier