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Apple, Samsung, Spotify : que cachent les noms des grandes entreprises de la tech ?

On les utilise tous les jours, sans vraiment savoir d’où ils viennent. Les noms des sociétés technologiques sont connus internationalement et sonnent généralement bien dans toutes les langues. Pourtant, ils ont rarement été choisis de manière très rationnelle, comme en témoigne notre glossaire en dix exemples.

Amazon : au milieu coule une rivière

C’est sûr qu’appeler son site de vente de livres sur Internet « Cadavre » – aussi exquis fut-il – n’est certainement pas la meilleure idée. C’est ce que Jeff Bezos a fini par comprendre alors qu’il avait tout d’abord baptisé sa société Cadabra, dérivé du mot magique « abracadabra ». Lorsqu’il évoque au téléphone ce nom à Todd Tabert, son premier avocat, ce dernier comprend « cadaver », soit « cadavre » en anglais.

D’après ce qu’indique Brad Stone, l’auteur de The Everything Store : Jeff Bezos and the Age of Amazon, le patron et sa femme MacKenzie s’enferment alors chez eux durant l’été 1994 pour tenter de trouver un nouveau nom. Ils déposent plusieurs noms de domaine comme Awake.com, Browse.com et Bookmall.com. Ils envisagent même un temps Aard.com (« terre » en néerlandais) pour être sûr de figurer en tête des listes de sites web. La dernière idée de l’été est alors Relentless.com (« incessant » ou « implacable »), mais beaucoup dans l’entourage du couple trouvent qu’il renvoie encore une image trop négative.

L’idée vient alors à Jeff Bezos en octobre 1994, alors qu’il parcourt tous les mots de la lettre « a » dans le dictionnaire. Il aurait eu une véritable « épiphanie » en voyant le mot « Amazon » (« Amazonie » en français). La plus grande rivière du monde pour ce qu’il espère être la plus grande librairie au monde. Il finira par déposer le nom de domaine Amazon.com le 1er novembre 1994. Vingt-quatre ans plus tard, Relentless.com continue quant à lui de toujours pointer vers la page d’accueil du géant du commerce en ligne.

Apple : Steve Jobs, ce hippie

« Amusant, entraînant et pas intimidant », voilà comment Steve Jobs qualifiait le nom d’Apple dans la biographie que lui avait consacré Walter Isaacson en 2011. Dans ce livre, le cofondateur d’Apple avait enfin le dernier mot sur la raison de l’appellation de sa société. « C’était l’un de mes régimes végétariens », expliquait-il alors. Il précisait également qu’il revenait tout juste à cette époque d’une exploitation de pommiers dans laquelle il avait résidé quelque temps.

Une version que confirme Steve Wozniak, l’autre cofondateur d’Apple, dans sa biographie iWoz : « Je me souviens que je ramenais Steve Jobs de l’aéroport. Il rentrait d’une visite dans l’Oregon, d’un lieu qui s’appelait “Apple Orchard”, c’était une sorte de communauté. Il m’a alors suggéré le nom Apple Computer et la première chose à laquelle j’ai pensé était : que va dire Apple Records, la maison de disque des Beatles ? Nous voulions tous les deux un nom qui donnait une idée technologique, meilleur que ceux déjà existants, mais nous n’arrivions pas à en trouver un. Apple sonnait tellement mieux, mieux que n’importe quel autre nom auquel nous aurions pu penser ».

Dans le livre Apple Confidential 2.0, son auteur Owen W. Linzmayer explique effectivement que les deux associés avaient tout d’abord pensé à des noms tels que Executex ou Matrix Electronics, mais qu’ils n’en étaient pas vraiment convaincus. En revanche, la référence à la pomme de Newton (qui figurait sur le tout premier logo d’Apple) ou la volonté de se trouver devant Atari dans l’annuaire téléphonique ne semblent pas avoir été les motivations prioritaires des deux Steve.

Reste que « Woz » avait eu raison de s’inquiéter de ce qu’en penserait le label des Beatles. Une longue bataille juridique opposera Apple Computer à Apple Corps de 1978 à 2007. L’accord final donne à la société de Steve Jobs, nouvellement rebaptisée Apple Inc., la propriété de toutes les marques dérivées du mot Apple. Depuis, il cède la licence d’utilisation du nom Apple Corps à la maison de disque. Pour parvenir à cet accord définitif, la société américaine aurait donné plus de 500 millions de dollars à son homologue anglaise. Le prix de la tranquillité pour continuer à utiliser un nom mythique.

Google : la faute d’orthographe idiote

C’est l’erreur la plus célèbre de l’histoire de la tech. Les cofondateurs Larry Page et Sergey Brin voulaient rendre hommage au nombre surnommé « googol » (« gogol » en français) qui représente le chiffre 1 suivi de 100 zéros. « Le nom reflète la mission d’organiser le nombre illimité d’informations sur le Web », expliquait en 2003 le Stanford Daily, suite à la conférence tenue par Larry Page dans l’amphithéâtre de l’université californienne.

« Nous avions construit un système de classement pour les sites Internet, y racontait alors l’actuel directeur général d’Alphabet. Nous avons alors compris que nous avions créé par accident un moteur de recherche ». Ils le nomment BackRub en référence à sa capacité d’analyse les « backlinks », ces liens qui pointent vers les sites. « Mais nous avons réalisé que BackRub n’était pas le meilleur nom du monde », concédait Larry Page. C’est le moins que l’on puisse dire puisque « back rub » signifie en anglais « massage du dos »…

Googol est donc le nom tout trouvé pour traduire l’immensité de la tâche qui attend le moteur de recherche. Mais l’origine de l’erreur n’est pas tout à fait claire. Certains pense que Larry Page a mal écrit ce nom trouvé par un certain Sean Anderson, camarade d’université qui lui a soufflé l’idée à l’oral. L’inverse est également raconté en 2004 par un autre membre de Stanford : Sean Anderson se serait trompé en cherchant si le nom de domaine « googol.com » était disponible et l’aurait orthographié « google.com » avant de le réserver.

L’erreur fut en tout cas présentée sur la première version de Google comme un hommage au chiffre « googol » tout en indiquant que les deux cofondateurs préféraient l’orthographier « Google ». La légende était née sur une belle erreur non assumée.

Huawei : de la fleur de lotus à la Chine conquérante

David Becker / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

On ne sait pas toujours le prononcer comme il faut, on connaît encore moins sa signification. Le nom du troisième constructeur mondial de smartphones est basé sur deux idéogrammes chinois.

Le premier est dérivé du mot « fleur » (d’où le logo de la société qui rappelle celle du lotus), mais il veut également dire Chine ou chinois. Le second signifie « réussite » ou « action ». L’expression « réussite chinoise » peut donc donner une bonne idée de la traduction globale du nom.

LG : le mariage heureux

Connu surtout pour ses smartphones, ses téléviseurs ou ses climatiseurs, LG est avant tout un « chaebol », un immense conglomérat typique de la Corée du Sud. Il possède des activités aussi variées dans les secteurs cités précédemment, que dans l’industrie chimique, les télécoms ou l’armement.

Cela s’explique par le parcours de l’entreprise créé en 1947 sous le nom de « Rak-Hui » (que l’on prononce « Lucky »), qui est la première du pays à se lancer dans l’industrie du plastique. En 1958, elle créé une activité plus grand public sous le nom de GoldStar. Cette seconde société commercialisa par exemple le tout premier poste de radio coréen.

Les deux sociétés finirent par fusionner et adopter le nom de Lucky-GoldStar qui deviendra en 1995 simplement LG. Une histoire bien plus intéressante que le Life’s Good désormais utilisé comme slogan par la société et qui laisse croire à une quelconque origine de cette abréviation.

Microsoft : on a échappé au nom de cabinet d’avocats

A l’origine Micro-Soft avec un tiret, ce nom est tout simplement un mot-valise constitué à partir de « MICROprocessor » et « SOFTware ». La première mission de la société était en effet d’écrire des logiciels pour le plus grand nombre de microprocesseurs disponibles sur le marché. Nous étions alors dans la seconde moitié des années 70.

Dans une interview donnée en 1995 à Forbes, les deux cofondateurs Bill Gates et Paul Allen expliquaient : « Quand nous avons signé notre premier contrat avec MITS (le fabricant de l’Altaïr 8080, NDR), nous nous mentionnons comme « Paul Allen et Bill Gates de Micro-Soft ». Je me ne souviens pas pourquoi nous l’épelions avec un tiret ».

« On plaisantait également sur des noms comme Outcorporated Inc. ou Unlimited Ltd. Nous avions aussi beaucoup discuté de la possibilité de s’appeler Allen & Gates, mais nous avons décidé que ce n’était pas une bonne idée. Des sociétés comme IBM ne sont pas baptisées en fonction de personnalités et gardent donc une longévité et une identité au-delà de leurs créateurs. Et puis on trouvait surtout qu’Allen & Gates sonnait comme le nom d’un cabinet d’avocat ou de conseil. »

Netflix : hérité de l’argot américain

Désormais bien ancré dans notre usage quotidien, le service de SVoD préféré des Français ne porte pourtant pas un non facilement compréhensible dès que l’on sort d’un pays anglophone. Il est en effet lui aussi un mot-valise constitué du « net » de « Internet » et d’une variante au pluriel de « flick ». Ce mot d’argot anglais signifie « film », sorte d’équivalent en français de l’expression « on se fait une toile ».

Très orienté sur le web dès ses débuts en 1997, Netflix était d’abord une offre de location de DVD par correspondance. On recevait le disque à domicile et on le renvoyait au bout du temps de location imparti. Sauf que les retards entrainaient de compliqués calculs de pénalités.

Pour y remédier, la société mit alors en place un astucieux modèle sur abonnement : le client pouvait emprunter le nombre de DVD qu’il désirait, sans limite, à condition qu’il renvoie le DVD précédent avant d’en demander un nouveau. L’abonnement illimité était alors né, avant de se dématérialiser quelques années plus tard.

Samsung : service trois étoiles

L’autre société d’électronique coréenne fait partie de celles qui ont su évoluer et se réinventer au fil des décennies. Comme LG, Samsung est un « chaebol », plus immense encore, présent évidemment dans l’électronique, mais aussi dans la chimie, l’automobile, le médical, les télécommunications ou encore les services financiers.

En coréen, le nom Samsung signifie tout simplement « trois étoiles ». Comme l’indique le site de Samsung, « le nom choisi par notre fondateur Lee Byung-chull traduit sa vision que la société devait devenir aussi puissante et éternelle que les étoiles dans le ciel ».

Les trois étoiles figuraient d’ailleurs sur les trois précédents logos Samsung, jusqu’en 1993. Seul l’actuel, désormais vieux de 23 ans en a supprimé la mention.

Sony : American way of life

Parmi les vénérables sociétés d’électroniques asiatiques, Sony est certainement la plus emblématique. L’aventure sous ce nom est née en 1955, alors que la société Tokyo Tsushin Kogyo voulait s’attaquer au marché américain, raconte Simon Winchester dans son livre Pacific. Sauf qu’en dehors du Japon, il était à peu près imprononçable.

Akio Morita, le cofondateur de cette « Société d’ingénierie en télécommunications de Tokyo » (sa traduction littérale), voulait alors trouver un nom en quatre lettres, aussi efficace que la marque Ford disait-il. D’autres noms créés de toutes pièces le remplissait également d’admiration, tel Kodak. Il envisagea un moment de contracter le nom existant en trois lettres TTK, à la manière de NBC, CBS ou NHK. Mais cela ne lui convenait toujours pas.

Dans un dictionnaire de latin, Morita tombe finalement sur le mot « sonus », le « son » en français. L’idée est une bonne base pour une société qui produit alors des postes de radio. Sonus se transforme finalement en Sony, par le biais de l’influence américaine encore exercée à l’époque sur le territoire japonais.

Une vieille chanson de 1928, Sonny Boy d’Al Jolson popularise aux Etats-Unis le terme « sonny », « fiston » en français. Les forces d’occupation américaines d’après-guerre avaient alors l’habitude de distribuer aux petits Japonais des chewing-gums en les interpelant avec l’expression « There you are, sonny ! (te voilà, fiston) ». En combinant la signification latine de « sonus » et le sentiment plaisant attaché au mot « sonny », Akio Morita avait alors trouvé son nom de marque parfait en quatre lettres.

Spotify : mieux vaut être sourd que d’entendre ça

Charles Eshelman / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP – Heureusement que Daniel Ek est un peu sourd.

Cette dernière anecdote risque de faire plus d’un déçu. C’est Daniel Ek, le cofondateur du service de streaming musical qui y a répondu lui-même sur Quora en 2010 : « Cela nous ramène à mon appartement qui se situait dans la banlieue de Stockholm. Martin (Lorentzon, le cofondateur, NDR) et moi étions assis dans deux pièces différentes et l’on se criait des idées de noms d’une pièce à l’autre ».

« On utilisait même des générateurs de nom et des choses dans le genre. Martin a alors crié un nom sorti de nulle part que j’ai mal entendu comme étant “Spotify”. J’ai immédiatement recherché le mot sur Google, j’ai vu que le nom de domaine était libre, je l’ai enregistré quelques minutes plus tard ».

« Nous étions un peu gênés d’admettre que c’était comme cela que nous avions trouvé le nom de notre société. Nous avons alors raconté ensuite que le nom venait de “SPOT” (“repérer”) et “identIFY” (“identifier”). » Comme un moyen de montrer que le service de streaming sait exactement vous proposer la musique que vous aimez.

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Jean-Sébastien Zanchi