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Analyse : guerre à mort entre les constructeurs de mémoire

Le marché de la mémoire informatique s’écroule. Seuls quelques constructeurs ont une chance de survivre et de profiter d’un éventuel rebond.

Si le marché mondial des mémoires informatiques devait être une émission télévisée, celle-ci serait certainement plus proche des Aventuriers de Koh Lanta, où les participants doivent exclure l’un des leurs d’une île perdue dans l’océan Pacifique, que de Qui veut gagner des millions ?Presque tous les acteurs de ce secteur, qui comprend principalement des constructeurs électroniques asiatiques, se demandent lesquels d’entre eux survivront à ce qui s’annonce comme la plus sombre année de l’histoire de l’informatique.Le marché mondial de la mémoire vive informatique, souvent désignée par le sigle DRAM pour Dynamic Random Access Memory (mémoire dynamique à accès aléatoire), devrait connaître une chute en valeur de l’ordre de 55,5 % en 2001 et tomber à 14 milliards de dollars contre 31,5 en 2000, selon la société d’études Gartner Dataquest.

Seuil de rentabilité enfoncé

La formidable baisse de la demande a entraîné une guerre des prix qui lamine les résultats des grands constructeurs. Le prix de la barrette sans marque de 64 mégaoctets à la norme PC133, l’étalon de référence du secteur, qui avait atteint des sommets à plus de 20 dollars après le tremblement de terre à Taïwan en 1999, est passé en un an de 9 dollars en moyenne à moins de 1 dollar, selon les chiffres du courtier spécialisé ConvergeTrade.Les analystes estiment que peu de fabricants ont un seuil de rentabilité inférieur à trois dollars. Les constructeurs ont depuis quelques semaines entamé de grandes man?”uvres pour tenter de survivre à la crise en attendant des jours meilleurs dans ce marché hautement cyclique.Le marché de la DRAM a en effet déjà connu par le passé de fortes dépressions, notamment en 1985, et celles-ci ont chaque fois été suivies d’un puissant rebondissement. La question pour les acteurs actuels est donc de savoir combien de temps ils devront tenir. Plusieurs événements externes leur permettent d’espérer un prochain retournement de conjoncture.Malgré la morosité du marché des ordinateurs personnels, le lancement en octobre par Microsoft de son nouveau système d’exploitation Windows XP, qui réclame encore plus de mémoire vive, pourrait redynamiser la demande, de même que l’offensive commerciale menée par Intel pour ses processeurs Pentium 4. Les observateurs ne s’accordent toutefois pas du tout sur la durée du marasme actuel.La banque d’affaires Goldman Sachs estime que les prix de la DRAM devraient se stabiliser dans les deux à trois prochains mois. Mais son homologue ING ne prévoit pas d’amélioration avant le second semestre 2002.

Samsung, futur vainqueur ?

En attendant le retour des beaux jours, le sud-coréen Hynix Semiconductor, numéro trois mondial du secteur, a refusé cette semaine d’honorer des obligations arrivées à échéance pour une valeur de 315 millions de dollars, espérant ainsi forcer ses créanciers à échelonner sa dette de près de 1 milliard de dollars.De son côté, le japonais Toshiba, un des cinq premiers constructeurs mondiaux, confronté lui aussi à des pertes financières sans précédent, a choisi le nettoyage par le vide et cherche un repreneur pour ses activités dans les mémoires. Il a annoncé avoir approché deux de ses concurrents, le coréen Samsung Electronics et l’allemand Infineon Technologies.Samsung apparaît d’ailleurs aux yeux de nombreux analystes comme le mieux placé pour survivre à la crise. ” En se concentrant sur les mémoires spécifiques, il se positionne bien pour un rebond et tend à réduire les coûts. Il sera sans doute le seul fabricant de DRAM à tirer des bénéfices sur ce marché au deuxième trimestre “, souligne Jonathan Ross, analyste spécialiste du marché des semi-conducteurs en Asie-Pacifique chez Goldman Sachs.Samsung s’est spécialisé dans la fabrication de mémoire à haute performance, notamment la S-DRAM dite DDR (Double Data Rate) et la mémoire DR-DRAM (Direct Rambus) brevetée par la société Rambus, ainsi que la mémoire appelée EDO (Extended Data Out), aujourd’hui obsolète, mais encore très employée par les ordinateurs serveurs.Ce choix a permis à Samsung de limiter les pertes financières sur les mémoires dites ” sans marque “, segment sur lequel il n’a enregistré de pertes financières qu’à partir de juin. Il a de plus bénéficié de la manne des mémoires Flash destinées aux téléphones mobiles. Le constructeur sud-coréen se retrouve ainsi au coude-à-coude avec l’américain Micron Technologies pour le titre de numéro un mondial du secteur.

Les constructeurs taïwanais tuent les prix

Les constructeurs taïwanais ont, eux, préféré une voie diamétralement opposée, sans être nécessairement moins efficace, celle de la guerre des prix à outrance. Malgré des réserves, certains analystes estiment que la récession actuelle pourrait aider les taïwanais à entrer dans le club des cinq premiers constructeurs mondiaux.” Je pense que Taïwan est un acteur marginal et que, dans le contexte de dépression, il joue probablement le rôle du tueur des prix, notamment en réduisant les coûts de production par des temps de test plus courts “, estime Chris Hsieh, analyste du marché des semi-conducteurs chez ING Barings à Taipeh.Le faible coût de production des usines taïwanaises a conduit de nombreux fabricants japonais à les choisir comme sous-traitants. ” Taïwan devrait en bénéficier. Je crois que la sous-traitance est une tendance à long terme “, affirme un analyste d’un courtier européen. La plupart de ses confrères estiment toutefois qu’il faudrait un nouveau séisme, économique cette fois, pour que Taïwan émerge parmi l’élite mondiale des semi-conducteurs.Beaucoup suivent avec attention le sort des activités de Toshiba dans ce secteur, qui pourrait intéresser Infineon, par ailleurs actionnaire à 33 % du fabricant taiwanais ProMOS Technologies. ProMOS pourrait en effet devenir, au début 2002, un des premiers constructeurs à utiliser des galettes de wafers de 12 pouces (300 mm), permettant pour un prix de revient à peine supérieur de produire bien plus de puces qu’avec les traditionnels disques de silicium de 8 pouces de long (200 mm).” Je pense qu’une société issue de Toshiba et d’Infineon, s’il doit y en avoir une, recourra en grande partie à ProMOS “, prévoit Chris Hsieh. ProMOS affirme aujourd’hui détenir de 5 à 6 % des parts du marché mondial. Le grand perdant de cette situation serait alors un autre constructeur taïwanais, Winbond Electronics, aujourd’hui partenaire de Toshiba.

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La rédaction (avec Reuters)