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Alexandre Zapolsky (Linagora) : ‘ Le logiciel libre assure l’indépendance technologique de l’Europe ‘

Les systèmes d’exploitation utilisant le noyau Linux sont une réalité en entreprise. Le logiciel libre est-il forcément moins cher que ses équivalents propriétaires ? Les sociétés de service en logiciel libre indépendantes ont-elles une
chance de survivre ? Le PDG de Linagora a évoqué ces sujets sur notre chat.

Bonjour et bienvenue sur le chat. Nous sommes très heureux de recevoir ce soir Alexandre Zapolsky, PDG de Linagora. Bonjour à tous bienvenue sur ce chat libre.Floup : OK, les logiciels libres sont moins chers, mais vous vous rattrapez sur les services. Donc au bout du compte, le libre est-il vraiment moins cher ? Le dernier grand marché d’équipement en terme de serveurs d’application au sein du ministère des Finances a démontré que le coût total de possession sur trois ans d’un serveur d’application propriétaire est deux fois plus élevé qu’un
libre.Max : Qui sont vos clients ? En premier lieu, les grandes administrations. Les grands comptes du privé s’y mettent peu à peu. Et il y a toujours eu un marché des TPE PME, surtout intéressées par le libre pour des raisons de coût.François Letellier : Linagora a juste rejoint ObjectWeb. Quels sont vos projets dans le cadre de ce consortium ? Objectweb est déjà aujourd’hui un des grands consortiums des communautés du libre. Nous croyons au logiciel libre comme moyen pour l’Europe de développer son indépendance technologique. Le consortium est à nos yeux l’un des tremplins
majeurs pour favoriser l’émergence de cette indépendance technologique. Le but pour nous est de favoriser les échanges et la prise de conscience de cette nécessaire indépendance et tout simplement de participer à une création de valeur commune en
Europe.guillaume : Les entreprises de service autour du libre fleurissent. Elles proposent un service de mise en ?”uvre et remettent le code source. Mais nous sommes souvent tributaires d’elles, même par la suite, puisqu’elles configurent
souvent sans laisser aucune doc. Il est temps de mettre en ?”uvre une charte de bonne conduite chez ces prestataires.
Je ne peux être que d’accord avec vous, ce que vous décrivez pour autant me semble appartenir à une autre époque. Les acteurs légitimes du marché du libre, les sociétés de service en logiciel libre (SSLL) travaillent aujourd’hui à un
projet de création d’une fédération professionnelle.EricM : Le modèle du logiciel libre est majoritairement basé sur les services. En tant que SSLL, votre intérêt est donc que Linux reste un environnement compliqué, puisque cette complexité vous permet de vendre des services et de
maintenir vos clients dépendants. Dans ces conditions, comment le système lui-même pourrait-il évoluer vers plus de simplicité, d’ergonomie et de fonctionnalités ?
C’est aujourd’hui la voie que suivent la plupart des distributions Linux. A ce titre, le travail de Mandrake pour démocratiser Linux est remarquable. Autre point à prendre en compte : je peux vous assurer que nous ne vivons pas
en vendant du service pour aider à utiliser Linux. Nos domaines d’intervention sont plutôt liés aux logiciels libres fonctionnant avec Linux tels que open LDAP, Jonas/Jboss, MySQL, etc.pengyou : Quelles sont les raisons majeures pour vos clients de choisir le libre en dehors de l’aspect coût ? Plusieurs points : indépendance vis-à-vis du fournisseur, meilleur respect des normes et des standards donc une meilleure interopérabilité, enfin, l’ensemble des qualités techniques des produits open source : fiabilité,
sécurité, pérennité.babar : Comment voyez-vous aujourd’hui le marché des sociétés de service qui font du libre en France ? Avez-vous des concurrents directs ? Les concurrents des prestataires du libre en France (et partout ailleurs dans le monde) sont les éditeurs. Les concurrents des SSLL sont les SSII traditionnelles.bipbip : Ne rencontrez-vous pas des réticences de passage vers le libre face à l’emploi massif des logiciels propriétaires ? On a beau dire Openoffice est un bon outil, la compatibilité avec des outils comme Word n’est pas
totale. C’est donc un handicap.
Les réticences sont plutôt liées à un manque de connaissances de l’état de l’art des logiciels libres du côté des clients. Mais il est vrai que cela est notamment dû à la faiblesse de l’offre de services : les SSLL n’ont jusqu’à
présent été guère nombreuses, même si le mouvement s’accélère aujourd’hui.web : Je cerne mal la façon dont votre entreprise se rémunère. Il y a le conseil OK. Mais si les licences sont libres, quelles sont vos moyens de facturation auprès de vos clients en dehors du conseil et de la formation ?
Le marché de l’informatique professionnelle est loin d’être simple… Quand une organisation mène un projet d’intégration ou de développement d’une nouvelle application, il y a certes du conseil en amont et de la formation en aval
mais ce n’est pas le c?”ur du projet ! Imaginez que pour intégrer le nouvel annuaire de la Direction générale de la comptabilité publique (un annuaire qui gère plus de 55 000 agents et 300 000 entrées) la partie
conseil dure trois mois, la formation idem, le reste du projet plus d’un an et demi. Donc le gros de notre activité est lié à la construction de solutions fondées sur des briques libres ainsi que sur l’exploitation de ces solutions.Sébastien : Vous parlez de manque de connaissance de l’état de l’art des logiciels libres des clients, mais que faites-vous pour améliorez cela ? Vous aviez publié une documentation en 2001, que vous n’avez plus mise à jour et
que vous avez retirée de votre site.
Déjà, le fait d’être là ici sur ce chat de 01net. montre qu’on se ‘ bouge ‘ pour améliorer ce manque de connaissance :-), mais je suis d’accord avec vous : je trouve que Linagora n’est pas encore une
assez grande société avec suffisamment de clients ce qui nous permettrait de multiplier nos équipes commerciales, nos équipes d’avant-vente et nos équipes de production. Alors si vous connaissez des DSI, des administrateurs système qui ont besoin
qu’on les rencontre pour les aider à tirer profit du logiciel libre, n’hésitez pas à nous le faire sur www.linagora.com ;-).EricM : Que pensez-vous de la récente étude de The Forrester ‘ Is Linux more secure than Windows ? ‘ qui donne plutôt l’avantage à Windows ? Le Forrester a raison. C’est une boîte qui réalise des études et qui se fait payer pour ça et le client a toujours raison ! Connaissant nos chers amis de Redmond, sans vouloir être affirmatif à 100 %, cela ne m’étonnerait
pas qu’ils soient derrière cette étude.pierre morin : Le modèle SSII est ancien, celui des SSLL très récent. N’est-ce pas qu’une simple émanation liée à une ‘ nouvelle technologie ‘ et à ce titre quelle est ?” encore à supposer que nous
soyons en phase de croissance ?” la durée de vie de celle-ci à votre avis (2, 5 ou 10 ans) ?
C’est une très bonne question. Nous sommes initiateurs du concept de société de service en logiciel libre. Depuis plus de quatre ans, on m’a posé cette question un grand nombre de fois. Je suis intimement persuadé que le logiciel
libre modifie la chaîne de valeur de production de l’informatique.Chloé : Et la communauté n’a pas les nerfs de vous voir faire fructifier le fruit de leur contribution ? On ne peut pas parler d’une communauté. Il convient de parler des communautés. Je pense que pour certaines personnes qui confondent un nouveau mode de production de l’informatique avec de l’idéologie politique, il peut y avoir
confusion et donc une frustration légitime.whatcha : Vous parlez d’un ‘ travail avec les communautés ‘ impossible pour les SSII. Pour quelle raison ? A ma connaissance vous ne travaillez pas avec les communautés vous-même et il existe de
nombreuses SSII employant des membres actifs des communautés du libre. Votre réaction ?
Le fait qu’il y ait des personnes participant à des communautés qui travaillent dans des SSII est vrai, comme c’est le cas chez tous les autres types d’employeurs. L’enjeu ne se situe pas là. Ce qui est important à mes yeux est que
le libre crée plus d’emploi que l’utilisation des logiciels propriétaires. Ce qui est encore plus important, c’est que cet emploi se situe au niveau local et non pas de l’autre côté de l’Atlantique ! Il est donc primordial que conjointement au
développement de l’informatique libre, le marché du libre s’élargit. Les SSII ne le développent pas c’est les SSLL qui en sont les moteurs !Dany : En quoi contribuez-vous à la communauté Linux ? Déjà, en employant des personnes participant activement aux communautés. Ensuite, je peux vous assurer que dès qu’il est possible que l’on reverse dans le monde du libre les développement que nous réalisons pour nos clients, nous le
faisons. Je prendrai juste un exemple, regardez les mailing listes d’OpenLDAP, vous verrez qu’en ce moment les personnes les plus actives en France sont des collaborateurs de Linagora.orelia3 : Un grand nombre d’entreprises utilisent des logiciels métiers. Je crois savoir que l’offre côté logiciel libre est encore pauvre dans ce domaine. Avez-vous des demandes dans ce sens ? Les offres dans le domaine des ERP ou des PGI dans le monde du libre commencent à être crédibles De ce fait, on commence à être sollicités sur ces demandes de logiciels métiers. Par exemple, la semaine passée une société nous a
demandé de réfléchir sur la conception d’un outil de business intelligence. Nous sommes en train de monter une maquette avec l’excellente solution www.mondrian.org.erick : Le groupware semble être le talon d’Achille de l’open source. Qu’en dites-vous ? Depuis plus de six mois, une solution industrielle existe dans le libre : il s’agit d’Opengroupware ! Nous venons de déployer Opengroupware dans le cadre de la refonte du système d’info de l’ADAE, et nous venons de
remporter le marché de mise en ?”uvre d’une solution de groupware avec cet outil pour le ministère de l’Equipement.Bilmem : Le logiciel libre est utilisé par différents types d’utilisateurs (expérimenté, novice, designer…). D’un point de vue économique, le fait que le nombre d’utilisateurs du logiciel libre augmente peut-il jouer un rôle
important dans la macroéconomie d’un pays ?
Vaste question ! Si comme je le crois l’utilisation du libre par des clients finaux permet de créer des emplois au niveau local, alors pour faire simple, je réponds oui.nec : Etes-vous obligé de convaincre vos interlocuteurs lorsque vous les démarchez ou les gens qui vous contactent sont déjà favorables au modèle open source ? Les deux mon capitaine ! En France nous avons la chance d’avoir des clients (et notamment dans le public) qui ont compris beaucoup de choses mais il en reste encore beaucoup à convaincre !Sébastien : Pourquoi, à la manière de idealx, ne publiez-vous pas un comparatif très succinct des logiciels libres dans différents domaines avec points forts et faibles de chaque logiciel ? Cela devrait être relativement simple
pour vous. En effet, à travers vos différents projets, vous devez sûrement faire une veille technologique. Cela permettrait de faire connaître plus facilement des logiciels comme ceux que vous venez de citer (opengroupware et mondrian).
C’est une très bonne idée, nous ne voulions pas le faire en tant que tel et que cela soit perçu comme une simple réponse à une offre de l’un de nos concurrents mais c’est une très bonne idée. Je pense que notre excellente responsable
de la communication mettra tout en ?”uvre pour que rapidement Linagora soit capable de publier ‘ l’argus du libre ‘ :-).leup : Allez-vous entrer en Bourse ? La Bourse n’est qu’un moyen pour assurer un plan de développement. Nous allons réaliser une augmentation de capital mais aucun projet d’introduction en Bourse n’a d’intérêt avant 2008-2010.Merci beaucoup Alexandre Zapolsky, le mot de la fin ? Merci à vous toutes et vous tous d’avoir été si nombreux à ce chat, merci à 01net. Rappelez-vous d’une chose, toute personne qui se fait le relais en développant ou communiquant sur les atouts du libre contribue à la croissance du
libre. ll est important en tant que citoyen et citoyenne que nous soyons tous concernés par le développement du libre. Il en va de notre savoir-faire technologique national et européen, il en va de nos emplois et de notre indépendance vis à vis des
monopoles des technologies de l’information. Au revoir à tous et n’oubliez pas : la route est encore longue, les combats nombreux (brevets logiciels). Bon courage à tous et bonne soirée !

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La rédaction