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Alcatel, nouveau numéro un mondial des télécoms ?

Les négociations de rachat de Lucent par Alcatel sont en voie de finalisation. 23,5 milliards de dollars, par échange d’actions, devraient être engagés. Une opération qui présente des risques d’exécution pour les deux entreprises.

Alcatel finaliserait en ce moment le plan de rachat de Lucent par échange d’actions, pour un montant de 23,5 milliards de dollars, révèlent nos confrères du Wall Street Journal dans leur édition de mardi. Ce montant, bien inférieur aux 32 milliards de dollars que pèse la totalité de Lucent, laisserait en dehors de la fusion Agere Systems, la filiale composants de Lucent. Les actionnaires d’Alcatel détiendraient 58 % de la nouvelle entité dont on ne sait pas encore si elle inclura ou non la division Fibre optique de Lucent, qui fait l’objet d’un mandat de vente séparé.

Alcatel s’offre le marché des opérateurs américains traditionnels

L’opération, dont Alcatel rêvait depuis vingt ans, placerait Serge Tchuruk, PDG d’Alcatel, et Krish Prabhu, DG, aux commandes de ce nouveau géant de l’équipement télécoms.Le rachat de Lucent présente deux intérêts stratégiques pour le groupe français.D’une part, Alcatel s’ouvre grand les portes des opérateurs américains traditionnels, un marché où Lucent (ex-AT&T) est très implanté. Ce dernier est en effet un fournisseur important d’AT&T et des ” Baby Bell “.Alcatel va enfin pouvoir considérer les Etats-Unis comme son premier marché et dépasser les 22 % de chiffre d’affaires qu’il y réalise aujourd’hui. Un objectif poursuivi par son PDG qui avait fait du développement outre-Atlantique un axe stratégique.

“La part de nos activités américaines dans le chiffre d’affaires du groupe a quasi triplé en trois ans. Ce n’est pas seulement dû à nos acquisitions [DSC, Xylan et Newbridge, NDLR], mais aussi à notre percée dans l’ADSL, où nous doublons notre base installée chaque année [de l’ordre de 3 millions de lignes fin 2000, NDLR] “, déclarait récemment Krish Prabhu à 01 Réseaux.

Lucent apporte la commutation optique et le CDMA 2000

D’autre part, Lucent apporterait au français son savoir-faire en matière de technologie optique. Non pas dans les fibres optiques elles-mêmes, ni en matière de transmission, mais dans le secteur de la commutation optique (interfaces opto-électroniques de transmission Sonet, SDH et commutateurs ATM pour réseaux d’opérateurs) où Lucent a une longueur d’avance. Alcatel tâtonne en effet dans ce domaine et n’a pas fait d’annonce majeure, sinon celle d’un accord avec Agilent autour de sa technologie de commutation à bulles.Enfin, l’apport de Lucent dans les infrastructures UMTS, fondées sur la technologie CDMA 2000 (Code-Division Multiple Access) reste à apprécier. Alcatel, qui a récemment passé un accord avec Fujitsu pour se renforcer, est en position de faiblesse sur les stations de base UMTS. A contrario de Lucent, qui connaît et exploite le CDMA 2000.Avec un bémol toutefois sur l’Asie, et la Chine en particulier, où les stations GSM d’Alcatel et CDMA 2000 de Lucent sont très présentes.

Peu de synergies dans les PABX d’entreprise

Lucent ne fabriquant pas de terminaux cellulaires, l’opération ne profitera pas à Alcatel. Pas plus d’enrichissement en vue du côté des applicatifs IP où l’américain n’a pas vraiment percé.Lucent ne renforcera pas non plus Alcatel dans la communication d’entreprise (PABX et IPBX), une chasse gardée de la jeune société indépendante Avaya, issue d’une spin-off avec Lucent en octobre 2000.Même scénario pour la micro-électronique puisque cette activité est pilotée par Agere Systems, la division composants contrôlée par l’américain à hauteur de 58 %.

Une fusion à risques

Suivant ce scénario, la fusion créerait des zones de recouvrement dans la gamme des produits de commutation et surtout de transmission. Une situation qui risque de provoquer un élagage brutal parmi les équipes en charge des lignes de produits clairement redondantes.Par ailleurs, sur le plan financier, Lucent reste fortement endetté, et affiche un premier trimestre 2001 catastrophique avec une perte nette de 3,7 milliards de dollars. Un point de blocage potentiel pour l’accord final, qui s’ajoute à la pomme de discorde des ” Bell Labs “, le laboratoire de recherche de Lucent, creuset de technologies stratégiques pour la défense américaine, comme les algorithmes de chiffrement des missiles de l’US Navy.Enfin, n’oublions pas que les actionnaires de Lucent ont toujours la possibilité de ne vendre que la division Fibre optique à… Alcatel, qui s’était montré intéressé avant d’étudier un rachat plus global.

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Jean-Pierre Soulès, 01 Informatique, la rédaction de 01 Réseaux, Francisco Villacampa