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Agillion, ou le procès de la bulle Internet

Pour avoir gaspillé des dizaines de millions de dollars à grands coups de dépenses somptuaires, le tout sans gagner un centime, les dirigeants de cette start-up texane vont devoir s’expliquer devant la justice.

En 2003, l’histoire d’une start-up ayant dilapidé des dizaines de millions de dollars en pure perte ne risque guère de surprendre. Mais, entre dépenses extravagantes et ventes inexistantes, les dirigeants d’Agillion ont chargé la barque
au point de se retrouver aujourd’hui traînés en justice pour gâchis et négligence grave.Cet éditeur texan s’était lancé en 1998 sur le marché des logiciels de
gestion de la relation client hébergés. Un créneau à la mode, qui lui a permis de lever 50 millions de dollars. Et de laisser plus de 20 millions de dollars d’impayés à ses
créanciers, selon Taylor&Dunham, le cabinet d’avocats qui les représente et dont la plainte tient lieu de ‘ bêtisier de la nouvelle économie ‘. Pas question d’espérer récupérer cet argent chez
Agillion. Lors de sa faillite, en juillet 2001, la start-up ne comptait plus qu’une centaine de dollars sur son compte en banque.Autant Agillion a beaucoup dépensé, autant elle n’a rien gagné. Son modèle économique reposait sur la location de son logiciel, facturé vingt à trente dollars par mois. Dans ses prévisions les plus modestes, l’éditeur tablait sur
345 000 clients fin 2000 et plus d’un million fin 2001. Un développement météorique. Sauf que, commercialisée en février 2000, l’application d’Agillion n’aurait jamais compté plus d’une douzaine de clients. Selon Taylor&Dunham,
Agillion n’a pas enregistré le moindre dollar de ventes dans ses livres de comptabilité.

Trois millions de dollars pour une publicité de trente secondes

Mais l’histoire d’Agillion n’est pas uniquement celle d’un échec commercial. L’éditeur a en effet multiplié les dépenses, détaillées par les avocats des créanciers :

  • En décembre 1999, la compagnie s’offre des locaux à 100 000 dollars par mois.
  • En janvier 2000, Agillion débourse 3 millions de dollars pour une publicité de trente secondes à l’occasion du Superbowl.
  • En juin 2000, un bureau australien est ouvert. Il coûtera 400 000 dollars et sera fermé six mois après.
  • Des contrats faramineux sont signés : 4 millions de dollars pour AOL, 2 millions de dollars pour une société chargée d’héberger les comptes et la facturation de clients inexistants, …

  • En 2000, le nombre d’employés est multiplié par trois, passant à 150. La plupart seront mis à la porte quelques mois après. Soit 1,3 million de dollars payés à des cabinets de recrutement et 1,4 million déboursés en frais
    de licenciement dans la même année.
  • En mai 2000, la direction d’Agillion a dépensé un demi-million de dollars pour payer à ses salariés un séjour d’une semaine au Mexique.
    Comme le
    résume l’ex-directeur du service après vente de la société :
    ‘ Nous avons dépensé 70 millions provenant de l’extérieur et nous nous sommes bien amusés. ‘

Pas question ici de jeunes blanc-becs tout frais émoulus d’une école de commerce. Steven Papermaster et Frank Moss, les fondateurs, avaient déjà de belles réussites commerciales à leur actif. Le second avait ainsi amassé une petite
fortune en revendant Tivoli à IBM. Des dirigeants si expérimentés qu’ils ne méritaient même pas d’être surveillés.Selon Taylor&Dunham, le conseil d’administration d’Agillion ne s’est réuni qu’une seule fois en trois ans. Une série d’énormités qui pousse les avocats à porter plainte contre les ex-dirigeants. Impossible, en effet, de
récupérer les sommes perdues dans les vestiges d’Agillion. Selon l’Austin Business Journal, les créanciers ont bien essayé de vendre ce logiciel merveilleux qui devait rapporter des millions. Et en ont obtenu…
100 000 dollars.

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Ludovic Nachury