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Acta, la Commission européenne essaierait-elle de noyer le poisson ?

Le 4 avril 2012, la Commission européenne a franchi une nouvelle étape vers la soumission à la Cour de justice européenne de la question de la compatibilité de l’Acta avec les traités européens. Un processus qui n’est pas la bonne nouvelle que les opposants à Acta pourraient croire.

Le 22 février 2012, la Commission européenne avait pris la décision de saisir la Cour européenne de justice pour que cette dernière examine l’Anti-Counterfeiting Trade Agreement Act [document au format PDF, NDLR], pour juger de sa compatibilité avec le droit européen.

Après un peu plus d’un mois à plancher sur le sujet,elle a fait connaître hier, 4 avril 2012, la question qu’elle entend soumettre à la Cour européenne de justice et qui devrait lancer le processus de consultation de cette instance. L’interrogation est simple, mais vu l’importance de chaque mot, en voici la version anglaise, suivie de notre traduction : « Is the Anti-Counterfeiting Trade Agreement (Acta) compatible with the European Treaties, in particular with the Charter of Fundamental Rights of the European Union ? », soit « L’Acta est-il compatible avec les traités européens, en particulier avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [document au format PDF, NDLR] ? »

Positions rassurantes

Faisant écho aux « dizaines de milliers de personnes (qui) ont clamé haut et fort leurs inquiétudes à propos d’Acta », le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, précisait ainsi, « il est normal de donner le temps à notre plus haute instance judiciaire indépendante de donner son avis légal sur cet accord ».
En février dernier, il avait déjà indiqué partager « l’inquiétude des gens pour (le devenir de) ces libertés fondamentales » et déclarait apprécier « que le peuple ait fait par de ses craintes activement – particulièrement concernant la liberté sur Internet ».

Pour autant, ces déclarations ne l’empêchent pas d’avoir une position très clairement favorable à l’adoption du traité. Ce que laissent entendre les définitions dudit traité telles qu’écrites dans le communiqué de la Commission européenne.
Selon ce document, qui en donne une définition générale, l’Acta est « un accord commercial international qui aidera les pays à collaborer pour lutter plus efficacement contre les violations des droits à la propriété intellectuelle à grande échelle ».


Le danger de la vision procédurière

Quoi qu’il en soit, hier, le Commissaire européen indiquait « espérer que le Parlement européen respectera la Cour de justice européenne et attendra son avis avant de déterminer sa propre position vis-à-vis d’Acta ».

Un message limpide en apparence, mais qui demande une mise en perspective. En effet,  la semaine dernière, le Parlement européen refusait de saisir la Cour de justice, alors qu’il y était encouragé par la Commission européenne. Cette saisine aurait pu repousser l’examen et le vote de ce texte de plusieurs mois, voire de plus d’un an. A cette occasion, la députée européenne socialiste, Françoise Castex, se félicitait d’ailleurs sur son blog de ce refus « d’entrer dans le jeu de la Commission européenne qui tente depuis plusieurs semaines de désamorcer le débat en le ramenant sur un terrain procédurier ».

Pour autant, désormais, la Cour de justice européenne est saisie. Et comme le veulent ses prérogatives, elle risque fort de ne rendre qu’un avis juridique sur cet accord. Alors que les inquiétudes portent autant sur des questions de droits que des questions politiques.

Marge de manœuvre réduite

Mais en définitive, au-delà de la compétence « limitée » de la Cour de justice européenne et de la volonté de la Commission européenne de jouer la montre, l’essentiel est que le Parlement européen puisse tenir une position tranchée.
Comme nous l’expliquions, il y a quelque temps, et comme le précisait Françoise Castex sur son blog : « la saisine de la Cour par la Commission européenne n’étant pas suspensive, il serait ridicule que le Parlement européen s’autocensure ! » Et de fait, si le calendrier originel est suivi, la Commission du commerce international INTA en charge du dossier Acta doit voter en mai prochain. Le Parlement européen se prononçant lui entre le 12 et le 14 juin.

Pour autant, comme nous l’indiquions fin février, l’Acta a déjà été ratifié dans sa version finale par une trentaine d’Etats, beaucoup étant membres de l’Union européenne, dont la France. Le Parlement européen a donc une marge de manœuvre assez faible. Mais il est évident que les opposants à l’Acta, qui craignent pour les libertés individuelles, ont tout intérêt à éviter que le dossier s’enlise dans les couloirs de la bureaucratie européenne où une guerre procédurale fait rage…

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Pierre Fontaine