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4G : le Canada plus proche du but que la France

La France est un peu à la traîne pour la 4G. Le Canada, qui offre une topographie complètement différente est-il si en avance que ça… Presque ! Petite visite guidée par notre envoyé quasiment spécial.

Vous imaginez un pays aussi compétitif que le Canada accepter une ségrégation de sa population à l’accès à Internet sous prétexte que le pays est trop grand ? Laisser des millions d’utilisateurs habitant dans les zones rurales – soit la grande majorité des nationaux – vivre dans l’abandon numérique ? Pourtant, en raison de la taille du pays, cela aurait pu être plus que compréhensible : d’une taille 18 fois environ plus grande que notre petit Hexagone, le Canada a tout du casse-tête pour le fournisseur d’accès – impossible de câbler tout le pays –, et pour l’internaute.  Malgré la très faible densité de population – la moyenne est de 3,3 habitants au km², à comparer avec nos 112 h/km² ! – l’activité micro-économique bourdonne non-stop au Canada. Chacun y va de son petit commerce en ligne, de l’auberge Bed & Breakfast au gîte pour chasseurs, en passant par l’ébénisterie, le réparateur de tracteurs, la ferme bio ou le professeur de piano, chacun possède son micro-site Web pour parler de son activité.

Et le e-commerce, c’est quelque chose de sérieux au Canada : 114 millions de commandes annuelles passées pour un volume de 15,3 milliards de dollars canadiens, un joli chiffre pour un pays accueillant seulement 34 millions d’habitants dispersés sur une si grande surface !

Un pour tous, tous sur le Net

Des chiffres qui s’expliquent par d’autres : 95 % des foyers ont accès au réseau des réseaux et 79,97 % y accèdent en haut débit. Comment font ces utilisateurs pour accéder à Internet là où, en France, des zones bien moins isolées sont toujours démunies d’un quelconque accès au Net ? Satellites ? Que nenni ! Bien que plus répandu aux Etats-Unis, notamment grâce à un fournisseur d’accès comme Hughes, l’accès satellitaire s’avère coûteux au Canada.

Entre le modem, l’antenne et l’installation par un spécialiste, l’addition grimpe et atteint rapidement les 500 $ (environ 384 €), sans parler de l’abonnement et, surtout, du volume de données ridicule : 70 € pour 350 Mo mensuels… Et gare à vous si vous dépassez le quota ! Le PowerPoint rigolo de 4 Mo, envoyé par votre cousin, risque de ne plus vous faire rire, lorsque vous recevrez votre fadette à la fin du mois… Quant au débit, il ne dépasse pas les 5 Mo/s pour les forfaits les plus coûteux, plafonnant à 2 Mo pour le particulier. Seuls les professionnels des industries lourdes, notamment sur les champs pétrolifères du nord du pays, peuvent se permettre une installation satellitaire réellement utile. La vérité est donc ailleurs… En fait, elle se trouve au fond de la poche : en 2011, 33 % des Canadiens utilisent un périphérique sans connexion filaire pour se connecter à Internet.


Les zones de couverture de quelques opérateurs canadiens. Pas de surprise, les réseaux les plus puissants sont cantonnés aux grands centres urbains. On remarque que les réseaux plus anciens ? ceux qui couvrent les zones rurales ? suivent les grands axes routiers. La vraie 4G suivra ce schéma.

L’Etat à l’écoute

Dès 2002, un programme gouvernemental (Programme de service à large bande), soutenu par le ministère de l’Industrie, visait à donner aussi rapidement que possible un accès haut débit à tous les Canadiens. Par haut débit, le Gouvernement entend un minimum de 1,5 Mo/seconde en aval, et 384 Ko/s en amont. Ce qui fait sourire chez nous mais qui ravit, dans un pays où les modems 33.6 sont toujours en activité à cette époque. Le Canada n’a donc pas tergiversé pour déployer la 4G : les premiers relais de ce type sont apparus en 2009, peu de temps après une injection de 225 millions de dollars dans le programme. Une installation facile pour les opérateurs téléphoniques, qui n’ont eu qu’à optimiser les points d’accès mobiles en les équipant de relais amplificateurs 4G.

Mais hélas, il y a anguille sous roche : malgré leur nom, il s’agit pour la plupart du temps de réseaux 3G+ déguisés, bien incapables d’atteindre le stellaire débit théorique de 1 Gbit/s du 4G. Pourquoi ? Parce que la vraie 4G, la LTE-Advanced, n’existe pas encore à proprement parler. On parle pour l’instant de LTE, une norme assimilable à de la 3,9G. Au Canada, on est en fait en pleine construction des réseaux LTE, Long Term Evolution, qui seront déployés lors de la prochaine décennie. Même si les opérateurs vendent ces services sous l’appellation 4G…

En pratique, tout le monde se moque du nom du réseau – malgré son usurpation – l’essentiel est de pouvoir surfer en évitant de passer par le modem 33.6, grande hantise du Canadien rural. Vous devinez aisément la raison de sa crainte ! Avec des relais très éloignés, difficile de maintenir une connexion stable, ce qui pose de sérieux problèmes lorsqu’on dispose d’un terminal de paiement pour carte bancaire. Transmettre les données et valider le paiement peut durer très, très longtemps… Trop longtemps pour certains clients peu patients ! Et comme 90 % des transactions commerciales du pays se font via ce mode de paiement, l’enjeu économique est vital pour des milliers de petits commerces. Ainsi que pour les opérateurs historiques, qui ne veulent plus dépenser pour entretenir des lignes filaires classiques.

Des offres peu attrayantes, mais qui ont du succès

Aujourd’hui, seize entreprises se partagent le marché sans fil canadien. L’embarras du choix est souvent l’embarras tout court, l’addition étant bien trop élevée pour une technologie et des installations maintes fois rentabilisées. Toutes les offres se ressemblent, question tarifs. Chaque gros opérateur propose aujourd’hui un forfait 4G comprenant, hélas, un quota maximal de volume de données : 5 Go pour environ 50 € mensuels, c’est extrêmement cher et cela nous fait regretter très rapidement le confort de l’illimité dont nous jouissons en France… Mais c’est ça ou rien : la balance penche en faveur des téléopérateurs, malgré l’ire des associations de consommateurs comme OpenMedia.

Si l’on se cantonne à lire ses mails ou à surfer modérément, il n’y a rien à redire : c’est rapide et fiable. Seules des intempéries (neige et vent) de force inhabituelle peuvent causer des ruptures de connexions, ainsi que les événements occasionnant un pic de consommation (soir de grand match de hockey, finale d’une émission de téléréalité, etc.). Le point positif, c’est que l’usage nomade est compris dans le forfait et vous permet d’accéder au Net n’importe où dans le pays.

Si vous habitez à Vancouver et que vous souhaitiez vous rendre en voiture à Québec, vous vous connecterez sans frais supplémentaires lors de vos haltes en cours de route : un gros avantage dans un pays où utiliser son téléphone portable hors de sa zone d’abonnement (soit un rayon de 50 km autour de votre ville) coûte une fortune… Imaginez qu’appeler Paris depuis Limoges soit considéré hors forfait et vous aurez une bonne idée des pratiques ahurissantes des téléopérateurs canadiens ! Beaucoup d’offres incluent un modem ou une clé 4G,  très simple à configurer. D’autres, plus chères, proposent un modem ayant pour particularité de disposer d’un emplacement de carte SIM, en plus des ports LAN et USB habituels. Certains modèles, comme le Netcom 3G25W-R, fonctionnent également comme routeur Wi-Fi.

Service minimum, service non compris

L’avantage de la 4G, c’est qu’elle vous suit partout : fini les frais d’installation, l’attente avant activation et les prises de tête lorsqu’on déménage. L’autre point positif est aussi un défaut : ça marche du feu de Dieu (lorsque les conditions sont bonnes) et c’est rapide ! Du coup, ça donne envie de jouer en ligne, télécharger sur Steam à tire-larigot, de discuter via la webcam avec sa famille… Et de se retrouver avec des factures à trois chiffres en moins de temps qu’il n’en faut pour dire P2P ! Il faut alors raison garder pour éviter la ruine et, à l’heure où de plus en plus de contenus culturels peuvent se télécharger, la 4G peut générer une certaine frustration. Mais dans le cadre d’un usage modéré et plus professionnel que ludique, on n’a pas encore fait mieux en termes de qualité et de facilité d’utilisation. Bref, ce que l’on appelle ici la 4G (mélange de 3,5G et de 3,9G), malgré son coût élevé pour le consommateur et, dans une moindre mesure, pour le contribuable, a été le meilleur remède pour réduire définitivement la fracture numérique.

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Frédéric Brunet