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24 h pour inventer le Web de demain

Imaginer le Web du futur en 24 heures chrono, tel est le défi déraisonnable du Webjam organisé par le WIF, le festival international de webdesign de Limoges.

Un bâtiment rond comme une soucoupe volante posée sur une pelouse du parc d’Ester Technopole de Limoges. En ce 3 juin, trente-cinq équipes montent à bord pour 24 heures de bataille continue. Elles participent à la 5e édition du Webjam. La compétition, à la fois technique et artistique, accueille aussi bien des professionnels que des amateurs qui doivent imaginer ce que pourrait être le Web du futur. Japonais, Brésiliens, Suédois, Finlandais, Tunisiens, Argentins, Canadiens, Russes, Roumains et Français se pressent, suivis des Chinois munis d’un drapeau étoilé, et des Italiens venus en Fiat vert blanc rouge. L’atmosphère est électrique parmi les concurrents. 11 h, sonne le top départ de la compétition. L’ordre de mission est décacheté. “ On nous demande un service social pour les couples, analysent les trois membres de l’équipe franco-roumaine ComKIdirait. Plutôt original ! ”Plusieurs équipes ressortent de la soucoupe et s’installent sur l’herbe. Brainstorming. Les trois Français de l’équipe ArisBeaux sèchent : “ Incrustons des animations 3D pour symboliser l’humeur de la personne aimée ”, propose la chef de projet. “ Impossible… on n’a pas une semaine ”, tranche son collègue. Après une heure de discussion, les ArisBeaux précisent leur idée : “ Une sorte de Facebook à destination unique de l’être aimé. On pourra échanger photos, vidéos et petits mots toute la journée. Et y publier des photos matérialisant son humeur. ”

Choisir un concept

De l’autre côté de la pelouse, la rocambolesque troupe belge des Pfaff Staff sirote des bières. “ Communiquer avec ta copine par Twitter, c’est froid, non ? On a pensé à un service nommé HUGS (Hybrids Universal Greeting Systems, Ndlr). L’idée est d’envoyer un livreur qui prendra ta copine dans ses bras de ta part. Attention, avec professionnalisme ! ” Les Pfaff Staff s’imposent des défis parallèles. L’un deux compte boire 24 bières en 24 heures, son camarade veut prendre 24 photos au polaroïd dans le même laps de temps.Petit à petit, les équipes quittent la pelouse. Celle des Arts et Métiers de Tunis est la dernière. “ Techniquement, on ne rivalisera pas avec les meilleurs ici. On mise plutôt sur l’originalité. On a eu l’idée d’une boîte virtuelle dans laquelle on dépose des pensées, des messages, etc. Mais chut ! ”

Les idées fusent

Déjà 17 h. Tous les concurrents sont alignés devant des enfilades d’écrans. L’équipe franco-roumaine ComKIdirait tient son concept : “ Une souris interactive à offrir à ta copine. Tu pourras changer sa couleur à distance, la faire vibrer et même diffuser ton parfum ”, explique Jonathan, le chef de projet. A sa gauche, Sébastien, le graphiste, est chargé d’habiller le site et de peaufiner l’ergonomie. A sa droite, Liviu, le développeur, devra assembler ces éléments pour leur donner vie. Pour l’instant, Sébastien surfe sur www.theFWA.com, qui recense les meilleurs sites graphiques. Il cherche de nouvelles fonctions sociales. “ Je regarde comment les graphistes les ont dessinées. ” Les candidats ont le droit de s’inspirer d’autres réalisations à condition de ne pas les plagier. Ils peuvent aussi demander conseil à des contacts à l’extérieur, tant que cette aide demeure ponctuelle. “ Si des graphistes extérieurs participent massivement, ça se verra ”, note Aude Bourliatoux, chef de projet du Webdesign International Festival (WIF).A 18 h, l’excitation est retombée. Les candidats les plus passionnés payent leur dépense d’énergie : leurs traits sont tirés. Sur les écrans, des éléments graphiques commencent à apparaître. Page d’accueil, animations, émoticônes… Les projets prennent forme, le temps passe et la pression monte.A 22 h, beaucoup se posent LA question : “ Réussira-t-on à achever le projet à temps ? ” L’atmosphère devient tendue : “ On a commencé à se taper dessus ”, plaisante Jonathan. L’heure des compromis arrive. Plusieurs équipes abandonnent l’espoir de bâtir un service 100 % opérationnel et se contenteront d’une présentation interactive de leur projet. Le soleil se couche et les candidats travaillent depuis douze heures.A minuit, le silence est monacal. Les idées complexes sont définitivement abandonnées et les équipes, studieuses, se concentrent sur des objectifs raisonnables. La sérénité est revenue, mais à 3 h du matin, la privation de sommeil pèse. Si quelques concurrents s’offrent une sieste, la majorité reste en éveil. Les yeux rapetissent. “ Je commence à planer, sourit un candidat. J’ai des accidents de souris : je clique cinq fois avant de me rendre compte que je vise à côté. ” Chaque heure est plus dure que la précédente.

Dernière ligne droite

L’aube pointe enfin à cinq heures du matin. “ On ne prend plus de plaisir, mais on ne lâche pas. On est concentrés sur notre objectif ”, explique Fabien, de l’équipe des ArisBeaux. A 7 h, le soleil inonde la verrière, ce qui fait sortir les candidats de leur léthargie. Il ne reste que quatre heures de compétition et le stress remonte d’un cran. Visages fermés, gestes rapides, les équipes sont pressées par le temps. Au milieu de la bataille, les ArisBeaux paraissent étrangement sereins : ils viennent de rendre leur copie. “ On est contents. On s’est bien amusés. Le thème était original. Ça nous change de ce que nous faisons pour nos clients. Mais je serais étonné qu’on monte sur le podium. ” Là pour gagner, les équipes peaufinent leur présentation jusqu’au dernier moment. Les vainqueurs repartiront avec 15 000 euros et un trophée prestigieux, une excellente carte de visite pour démarcher les clients. Le temps presse. A 11 h pile, les sites seront gelés.Dix minutes avant le gong, un gros bug apparaît dans l’animation du projet de ComKIdirait. Panique à bord ! Un son mange toute l’animation. Le développeur trouve enfin une solution deux minutes avant le gong. Le compte à rebours final peut s’égrener : trois, deux, un… Soulagement général. Les visages se détendent, les sourires reviennent.Renseignements pris, le candidat belge n’a bu que vingt-et-une bières. Son acolyte a cassé son vieil appareil photo Polaroïd et n’a pris que six photos. Les équipes remballent leur matériel. La plupart vont se coucher.Le gagnant ? Il faudra attendre une bonne journée pour le connaître, temps nécessaire au jury pour délibérer. Il évalue l’originalité du concept, l’esthétique des présentations, leur sophistication technologique, leur ergonomie et leur disponibilité sur iPad et sur smartphones. Cette année, le vainqueur est français, c’est l’équipe Bobbie Team

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Nicolas Six